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est cette fois imposante dans sa toute-puissance pacifique. Il y avait juste quinze ans que la diète s’était victorieusement tirée de cette aveugle insurrection qu’on appela l’attentat de Francfort  : elle est restée sans défense devant cette magistrature qui s’improvisait à ses côtés et la détrônait par une force bien autrement irrésistible que la force des baïonnettes. Les notables ont décidé qu’il appartenait seulement à une assemblée nationale de donner une constitution au pays, que cette assemblée serait nommée par le suffrage universel, et que tout Allemand pourrait représenter toute partie quelconque de l’Allemagne. Ils ont invité la diète fédérale à s’épurer en rejetant de son sein tous les hommes qui avaient combattu le progrès constitutionnel, pour que leur présence ne fit pas même ombrage dans cette heure de triomphe. La diète s’est exécutée devant cet impérieux commandement. Elle a révoqué toutes les anciennes lois d’exception, et ceux qui en avaient été les promoteurs se sont retirés. Le président de la diète des princes, le comte Colloredo, a notifié cette soumission respectueuse au professeur Mittermayer, président de la diète du peuple. Enfin cet avant-parlement (Vor-Parlement), comme on l’a nommé, a laissé derrière lui un comité de cinquante membres chargés de fonctionner jusqu’à la réunion de l’assemblée nationale et de diriger les opérations nécessaires pour la réunir. Ces cinquante membres en ont eux-mêmes délégué dix-sept, qui se sont proclamés les hommes de confiance. Ceux-ci ont eu pour mission de servir d’intermédiaire entre la vieille diète et le comité populaire des cinquante. On leur a donné droit de séance dans la diète et presque droit de contrôle ; on leur a remis enfin la tâche exclusive de rédiger un projet de constitution sur lequel l’assemblée nationale aussitôt en exercice fût à même de délibérer. Parmi les dix-sept étaient M. Dahlmann, l’ancien proscrit de Goettingue, le professeur de Bonn, l’historien des révolutions de l’Angleterre et de la France, l’un des hommes qui ont contribué le plus à l’avancement des idées constitutionnelles en Allemagne ; Ml. Gervinus, le professeur de Heidelberg, le fondateur de la Gazette allemande, qui a pris une si grande autorité dogmatique dans la pressé d’outre-Rhin, le poète Uhland, envoyé par Tubingue ; le député Bassermann, l’un des plus énergiques représentans du libéralisme badois.

Les cinquante et les dix-sept ont été, depuis le commencement d’avril jusqu’au 18 de mai, l’autorité suprême qui a gouverné l’Allemagne. La diète s’est effacée derrière eux ou s’est docilement ralliée à leur initiative. Il ne faut pas oublier d’ailleurs que la diète elle-même a été en partie retrempée par les dernières vicissitudes politiques ; le personnel diplomatique a dû changer en même temps que les principes de gouvernement. C’est ainsi que le ministre de Bade est maintenant M. Welcker, le vétéran de toutes les oppositions dans le petit parlement de Carlsruhe. Welcker à la place où siégeait naguère M. de Blittersdorf ! Il n’est rien qui marque plus clairement, la révolution. Cette diète cependant, si mitigée soit-elle, représente encore les couronnes, et sur les couronnes allemandes plane toujours, malgré tout, je ne sais quelle fantasmagorie de droit divin qui déplaisait naturellement aux représentans constitués par l’opinion seule en dehors de l’antique légalité. Organes et dépositaires d’une souveraineté née de la veille, et peut-être elle-même étonnée