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d’autre part, c’est à l’extrémité occidentale de leur course, c’est en Islande que s’est développée le plus complètement la civilisation propre aux races scandinaves, et ces races venaient de l’Orient.


Élithyia.

La première chose qui frappe en approchant de la ville d’El-Kab, l’Élithyia des anciens, c’est son enceinte parfaitement conservée. Cette enceinte est construite en briques, et dessine un carré qui environnait l’ancienne ville, de laquelle il ne reste plus que de faibles débris. Chose singulière, tous les monumens ont disparu, et l’enceinte de la ville subsiste intégralement. C’est l’inverse de ce qu’on voit à Thèbes, où de grands monumens subsistent et où l’enceinte a péri. Élithyia peut donc à cet égard suppléer Thèbes, pour ainsi dire, et la compléter.

À quelque distance de la ville sont des grottes sépulcrales, des tombeaux de famille, dont les parois sont couvertes de peintures et d’inscriptions. C’est dans une de ces tombes que Champollion a lu la chanson que le laboureur adresse à ses bœufs, et qui est certainement la plus ancienne chanson connue. J’ai remarqué dans les peintures de ces grottes, ce qu’on peut observer ailleurs, que la couleur des hommes est le rouge, et la couleur des femmes le jaune ou le rose. Évidemment, il y a là du convenu, mais je pense que le peintre a voulu exprimer par cet artifice que la peau des femmes, moins exposées au soleil que les hommes, avait une teinte moins foncée. Une couleur plus pâle paraît avoir appartenu aux classes élevées, comme dans l’Inde, où les castes supérieures ont le teint plus clair que les autres ; M. Nestor l’Hôte l’a remarqué pour les fils de Sésostris, et mon ami M. d’Artigues a trouvé, dans la nécropole de Thèbes, deux petits pieds de femme qui étaient d’une délicatesse très aristocratique et d’une parfaite blancheur.

Après avoir passé plusieurs heures à étudier la vie des anciens Égyptiens dans ces demeures de la mort, à recomposer les familles qui les ont creusées pour leur sommeil, à faire, pour ainsi dire, parmi les peintures funèbres et les inscriptions hiéroglyphiques, connaissance avec ces morts dont les images sont accompagnées de leurs noms, de leurs professions, de l’indication de leur degré de parenté, de leurs alliances ; après avoir ainsi vécu dans l’intimité domestique de ce passé si ancien et en même temps si conservé, on pourrait dire si présent ; nous avons repris nos ânes, et continué à nous éloigner du fleuve à travers une plaine nue. Après nous être arrêtés pour visiter deux petits temples élevés, l’un par Sésostris, l’autre par un Ptolémée, nous sommes arrivés vers le soir à un édifice charmant, comme l’est toute architecture qui appartient à l’élégante époque des Thoutmosis et des Aménophis.

Aménophis III, celui que les Grecs ont confondu avec Memnon, celui