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renaissance. Les premiers actes de cette assemblée furent des protestations passionnées jusqu’à la révolte ; « la constitution avait été outrageusement violée ; quiconque avait accepté des fonctions durant l’occupation étrangère était un traître ; » la diète voulait mettre en accusation les commissaires qu’elle appelait des proconsuls. Si l’on se reporte à cette époque, déjà lointaine, où l’Autriche, après les congrès de Vérone et de Laybach, victorieuse des révolutions de l’Italie et de l’Allemagne, pouvait croire terminée en sa faveur cette longue lutte commencée à la révolution française, on comprendra quels furent son étonnement et sa colère : elle retrouvait aux portes mêmes de Vienne, dans ses états, les doctrines ennemies que ses armes et sa politique avaient poursuivies et terrassées dans les royaumes étrangers. Une proclamation menaçante fut adressée à la diète, en attendant qu’on prononçât sa dissolution : c’étaient des sujets ingrats et révoltés qu’il fallait punir.

Ainsi, des deux côtés, les esprits étaient animés d’une égale passion. Le droit et la force étaient prêts à engager un de ces combats où, quoi qu’on en dise, la victoire ne reste pas toujours à la dernière. Le palatin n’hésita pas, il partit pour Vienne et alla plaider auprès de l’empereur la cause de la Hongrie. Il ne craignit point de choquer ou d’irriter la passion du moment. « Il ne demandait point pardon, mais justice. Si l’on faisait droit aux griefs de la nation, si l’on reconnaissait qu’on avait gouverné contre la loi, si l’on entrait dans la voie des concessions, il répondait à son frère de la fidélité du pays ; sinon… on n’avait qu’à choisir un autre palatin. »

L’empereur François adressa aux Hongrois une proclamation dans laquelle il reconnaissait, comme Louis XVIII, que son gouvernement avait fait des fautes ; il rejeta sur le malheur des temps la non-convocation des diètes, il renouvela les sermens qu’il avait prêtés comme roi de Hongrie et promit de faire droit aux griefs de ses fidèles états. Le palatin, à son retour, fut porté en triomphe. La nation se sentit solidaire de ses promesses et se contenta à bon marché.

En fait, depuis cette époque, le vrai gouvernement de la Hongrie était passé entre les mains de l’archiduc Joseph. Il se forma autour du palatin un grand parti, composé de l’élite de la nation, qui s’appela lui-même le parti libéral, et qu’on aurait appelé plus justement le parti philosophique. Il poursuivait résolument, en dehors des anciennes traditions de l’esprit de sédition et de révolte, les conquêtes de la civilisation moderne. Il se montrait plus passionné pour la liberté que pour la constitution : ce fut l’ère brillante de la renaissance de la Hongrie ; les jeunes magnats, saisis du même enthousiasme que nos pères en 1789, allaient généreusement au-devant de tous les sacrifices de fortune, de privilèges que le bien général paraissait demander. Là commencèrent la popularité et la gloire du comte Szécheny. Dans l’état d’esprit bien