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tous les esprits, que l’état n’a plus d’engagemens illimités à satisfaire, que tous les intérêts et tous les paiemens sont assurés par les seules ressources de l’impôt, et sans avoir recours à aucun emprunt nouveau. Cette seule pensée suffira pour rendre au crédit public la plus grande partie de son élasticité ; les demandes de remboursement des caisses d’épargne deviendront moins abondantes ; les capitaux flottans pourront reprendre, timidement sans doute, mais peu à peu, le chemin du trésor ; les rentes consolidées, livrées à elles-mêmes, pourront remonter. Que la paix soit maintenue au dehors, la sécurité au dedans, et rien, dans l’ordre financier proprement dit, n’empêchera le retour de la confiance.

Pour mettre le comble à cette œuvre, la république n’aurait plus alors qu’à s’occuper d’étendre aux provinces les plus reculées les bienfaits du crédit et de créer des sociétés nouvelles pour la circulation, deux problèmes qui sont loin d’être insolubles.

L’histoire financière des états montre que toutes les grandes crises ont été l’occasion d’un nouveau progrès dans l’organisation du crédit. Celle que nous traversons aujourd’hui serait un incident heureux, si elle conduisait à remplir les lacunes qui existent dans le système de notre circulation. Le gouvernement provisoire a commencé la révolution, désirable sous ce rapport, en établissant des comptoirs d’escompte dans beaucoup de villes qui n’en avaient pas ; il a fait un pas de plus en établissant ensuite des sous-comptoirs pour faciliter encore les escomptes au petit commerce des provinces et à l’agriculture. Ce sont là des institutions utiles qu’on ne saurait trop propager ; il serait à désirer qu’il existât un jour un comptoir d’escompte dans tous les chefs-lieux d’arrondissement avec des sous-comptoirs dans tous les chefs-lieux de canton. L’abaissement du taux de l’intérêt pour les cultivateurs et les petits commerçans n’est réellement possible qu’à ce prix. L’état peut et doit au besoin donner des subventions à ces comptoirs pour en faciliter la création ; avec un fonds annuel de 25 à 30 millions, il peut arriver à en faire fonder bientôt partout.

Il y aurait d’ailleurs pour la république un puissant moyen de faire servir le crédit même à la diffusion du crédit et de tirer des besoins de la circulation des ressources nouvelles pour venir en aide à la circulation : ce serait de procéder immédiatement à la réorganisation générale des banques en France, et de créer pour tout le pays un grand système d’association de crédit. Ces idées arrivaient à maturité quand la monarchie est tombée ; on les discutait dans l’ancienne chambre au moment où commençaient les combats de février. Ce qu’un gouvernement régulier ne peut faire qu’avec des ménagemens infinis, une révolution peut le faire vite. Avec une banque par département, un