Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 22.djvu/652

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


Séparateur


14 mai 1848.

L’assemblée nationale est enfin réunie, elle a proclamé la république, elle s’est nommé un président, elle a écouté le compte-rendu des deux mois qu’on a mis à lui préparer la place, elle a rafraîchi le mandat du pouvoir exécutif, le pouvoir exécutif s’est choisi des ministres : voilà notre second provisoire au complet ; puissions-nous bientôt arriver au définitif ! Tel est, en vérité, le vœu le plus ardent dont l’opinion publique ait salué cette nouvelle phase de l’ère de février. Ce n’est point ingratitude pour les services passés, défiance prématurée des mérites à venir ; c’est purement et prosaïquement un grand besoin de repos.

On aura beau galvaniser la révolution, nous n’avons plus le tempérament révolutionnaire. On ne sent nulle part autour de soi cette foi passionnée, cet enthousiasme vainqueur qui aplanissent les montagnes et comblent les vallées. La chose s’explique : nous ne nous croyons pas assurément dans le meilleur des mondes, mais nous devons bien avouer que nous ne trouvons dans le monde où nous sommes ni de très hautes montagnes, ni de vallées très profondes. Il y a soixante ans tout à l’heure que l’on travaille au nivellement. Est-ce à dire pourtant que ce ne soit plus la peine de rien faire ? Nous attendons mieux de notre constituante, et, si nous ne pensons pas qu’elle ait tout l’univers à reconstruire, nous nous plaisons cependant à imaginer la grandeur possible de ses œuvres futures. Oui, quand nous sommes trop étonnés, trop découragés en découvrant ce qu’il y a souvent par ce temps-ci de mesquin dans les choses et de médiocre dans les personnes, c’est pour nous un soulagement de nous transporter en esprit jusqu’au temps qui suivra. Nous aussi nous avons confiance aux destinées de la France, et, à travers toute cette poussière du moment, nous apercevons le rayonnement de l’avenir. Nous savons bien pourquoi la monarchie est tombée ; ce n’est pas parce que c’était la monarchie. Le mal est qu’elle n’a pas voulu être