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joueurs de cartes. L’obscurité favorisait les crimes ; il fut « enjoint à tous les habitans de cette ville et faubourgs de mettre de quatre maisons en quatre maisons une lanterne à leurs fenestres, où il y aura une chandelle allumée qui ardera toute la nuit, et qu’elle soit pendue à une perche ou corde au travers de la rue, à l’endroit du ruisseau, afin qu’on puisse voir plus clairement s’il y a quelques délinquans cachés sous les auvens, sous peine d’amande arbitraire. » Et les fifres et tambourins qu’il fallait empêcher de jouer devant l’église aux heures d’office, et les porcs qui se promenaient dans les rues sans guide et sans clochette à l’oreille, ne laissaient pas que de donner beaucoup de mal à ces pauvres échevins.

(1565, 6 novembre.) « Il est ordonné que le vice-bailly de la ville sera requis d’aller au soir par la ville pour empescher les coureurs de nuit, et aussi de donner ordre de faire vuider la ville et faubourgs les p … et femmes publiques qui abusent la jeunesse de la ville. »

(9567.) « Sur les plaintes et remontrances faites par les échevins à M. Jacques de Guynes, vice-bailly, des coureurs de nuit par la ville et aussi des p… et femmes publiques, lequel a répondu qu’il étoit prêt de marcher la nuit avec sa compagnie, pourvu qu’il fût advoué au cas qu’il advînt quelque inconvénient à leur poursuite, a été ordonné qu’on présentera requête au roi afin d’avoir permission d’aller la nuit en armes, pour pourvoir à ce que dessus. »

Ces soins municipaux n’étaient pas sans dangers ; on menaçait sans cesse les échevins de les tuer ou de les battre :

(1568, 6 février.) « Comme quantité d’habitans menacent les échevins d’aller les saccager en leurs maisons, il sera proclamé, à son de trompe, par les carrefours de la ville, qu’il est défendu à tous habitans, de quelque état et condition qu’ils soient, de s’adresser à MM. les officiers du roi, échevins, gens du conseil et autres de la chambre, pour user envers eux d’aucunes menaces, sur peine de la hart. »

Avec le règne de Henri III se terminent les documens que j’ai compulsés ; travail que j’avais commencé par simple curiosité et par amour du pays natal, mais qui peu à peu s’est tourné en admiration. Je suis sorti de cette étude plein d’estime pour nos aïeux ; j’ai reconnu les mérites et le courage de cette magistrature populaire et de cette noble roture qui a tant fait pour le pays. Il y a peu de plaisir sans doute à feuilleter les notes relatives à Jehan La Troyne qui a fait enlever des foins indûment, et sur maître Leveau, serviteur de la ville, qui réclame sans cesse un bonnet et des « chausses neuves » aux couleurs de Chartres, « verdes et rouges. » Cette lecture achevée, cette œuvre de patience accomplie, ce marécage de plus de cinq volumes in-octavo une fois franchi, on voit avec satisfaction tout le fantôme d’une époque intéressante se dresser et agir, toute la vie de cette époque renaître et marcher dans une localité importante et dans un cadre étroit.