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importe d’en rendre la circulation facile, afin de corriger autant que possible le tort de la nature, qui ne les a pas répartis également partout. Cela est d’autant plus nécessaire que ces produits sont en général très encombrans et très lourds. On l’a si bien senti dans d’autres circonstances, qu’on a presque toujours réduit en faveur de ces matières le coût du transport sur les chemins de fer et les canaux. Comment concevoir après cela qu’on les assujettisse à des droits onéreux et à des formalités gênantes à la frontière ? C’est substituer aux obstacles naturels, que l’on travaille à grands frais à détruire, des barrières artificielles qu’il en coûte beaucoup pour élever et pour garder.

De cela même que la terre produit ces matières inégalement et par places, et qu’elles sont en général très lourdes, il résulte encore que le monopole s’en empare facilement. Le plus souvent il n’existe qu’un petit nombre d’exploitations dans un même lieu, quelquefois même une seule, et alors les producteurs, maîtres absolus du marché, rançonnent à leur gré les consommateurs. Comment craindre d’ailleurs que cette concurrence puisse en aucun cas devenir menaçante pour les producteurs indigènes ? Est-ce que dans ces sortes de travaux, où la nature a fait presque tous les frais de la production, les conditions d’exploitation ne sont pas à peu près les mêmes partout ? Est-ce que les frais de transport, toujours considérables, ne sont pas une garantie surabondante contre un excessif avilissement des prix ?

Si l’on avait bien pesé ces considérations, et surtout celle qui ressort du danger des monopoles, jamais on n’aurait conçu la pensée d’établir un droit quelconque à l’importation des matières minérales, quelle qu’en soit l’espèce, pierres, terres, combustibles ou métaux. C’est déjà bien assez, c’est beaucoup trop même, de l’inégalité de leur répartition sur le sol et des obstacles que leur poids seul oppose à l’activité des transports. En tout état de choses, l’établissement des monopoles n’est que trop facile sur la plupart de ces produits en ajoutant aux obstacles naturels des obstacles artificiels, on multiplie les monopoles et on les aggrave, et comme ils s’attaquent à des produits de la plus haute utilité, qui sont ou les matières premières de l’industrie, ou les agens nécessaires du travail, on atteint par là à sa source même, on enchaîne en quelque sorte par sa base toute l’industrie d’un pays.

Les droits établis sur les articles qui nous occupent devraient donc, en principe être tous immédiatement supprimés. Cependant, comme l’état de choses actuel a créé dans certaines directions quelques intérêts qui pourraient être compromis par un changement si brusque, nous proposerions de maintenir provisoirement des droits réduits sur trois articles : les ardoises, les tuiles, et le cristal de roche ouvré.

De ces trois produits, les deux premiers sont actuellement frappés de droits excessifs, le dernier d’une prohibition absolue. Sans nous étendre sur les conséquences de ces rigueurs, qui ont été l’amoindrissement