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ce dernier cas, treize fois le droit primitif et environ 185 pour 100 de la valeur.

Cette monstrueuse inégalité dans l’assiette du droit se fait, du reste, sentir dans la perception. Ainsi, en 1845, les billes d’acajou de plus de 3 mètres d’épaisseur ont été importées sans exception par navires français, non pas, il est vrai, de l’Inde, ce qui aurait donné lieu à l’application du moindre droit, mais, pour la plus grande partie, d’autres pays hors d’Europe, notamment d’Haïti, et voici en conséquence ce qui est ressorti de l’application du tarif. Sur une quantité de 4,359,865 kilogrammes mise en consommation, et dont la valeur officielle est de 1,525,953 fr., la totalité du droit perçu a été de 362,231 fr., soit environ 23 pour 100 de la valeur. Au contraire, les billes de moindre dimension, malgré l’exagération des droits différentiels, ont été importées, non pas en totalité, mais en partie, par des navires étrangers, et aussi, il faut bien le dire, près de la moitié nous est venue des entrepôts des Pays-Bas. En conséquence, sur une quantité de 2,197 kilogrammes, évaluée à 769 fr., le montant des droits perçus n’a pas été de moins de 979 francs, ou 127 pour 100 de la valeur. Était-ce l’intention da législateur que les billes d’acajou de moins de 3 décimètres d’épaisseur payassent 127 pour 100 de droits, tandis que les autres ne paieraient que 23 pour 100 ? Cela n’est pas probable. Tel est pourtant le résultat clair et net de l’application de la loi.

C’est dans l’intérêt de la marine marchande, dit-on, qu’on a établi d’aussi choquantes inégalités ; soit : a-t-on du moins réussi dans cet objet ? Hélas ! il suffit de jeter les yeux sur cette pauvre marine pour se convaincre du contraire. De jour en jour, elle décline sans que les prétendues faveurs dont elle jouit puissent rien pour prévenir ou arrêter sa décadence, et ce qu’il y a de plus remarquable, c’est que les longs voyages, dont on a voulu à tout prix lui réserver le privilège, et qu’on semble même créer quelquefois pour elle tout exprès, sont précisément ceux dont le nombre diminue avec la plus effrayante rapidité. Tout cela s’explique. On veut que notre marine fasse la grande navigation, on veut qu’elle entreprenne les longs voyages et particulièrement les voyages des Indes : rien de mieux ; mais en même temps on lui ôte, sans y prendre garde, tous les moyens de réaliser ces voyages avec profit. On croit tout faire en lui réservant sur quelques marchandises secondaires des privilèges fantastiques, tandis qu’on la prive en réalité de tous les meilleurs élémens de fret. Peu ou point de chargemens d’aller ; nulle latitude pour rapporter au retour les marchandises qui seules abondent dans ces pays. Voici donc ce qui arrive. Nos bâtimens partent le plus souvent pour ces contrées lointaines sur lest, pour en revenir avec des chargemens incomplets. S’ils emportent quelque chose au départ, ce sont trop souvent des marchandises de