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d’ailleurs à s’apercevoir qu’il faut des riches dans une société ; on s’en aperçoit déjà. Depuis le coup qui a ébranlé toutes les existences, la brusque interruption des dépenses de luxe et la disparition des capitaux ont montré quel rôle joue la richesse dans le mouvement général d’un pays. Ce n’est pas en attaquant et en dépouillant les riches qu’on enrichira les pauvres, au contraire. Le pauvre qui travaille et qui ne veut pas voler a besoin du riche au moins autant que le riche a besoin du pauvre ; quand l’un travaille, l’autre paie.

Il suit de là qu’il n’y a rien à changer dans l’assiette actuelle de l’impôt. S’il y avait quelque modification à y apporter, ce serait plutôt pour le diminuer que pour l’accroître. L’impôt est déjà très lourd tel qu’il est, il est un obstacle considérable au progrès de la production et de la consommation. Le véritable principe démocratique en matière d’impôt, c’est la réduction au taux le plus bas possible. Dans une société aristocratique, l’impôt peut s’élever, parce que ceux qui le paient ont du superflu, et que d’ailleurs, comme ils ont entre les mains tous les pouvoirs et toutes les places, ils peuvent reprendre d’une façon ce qu’ils donnent de l’autre ; dans une société démocratique, c’est tout autre chose. Chacun a besoin de tout ce qu’il possède et ne consent à s’en dessaisir qu’avec peine ; il n’admet pas qu’il puisse y avoir un meilleur emploi de son argent que celui qu’il lui donne lui-même. Le jour où, au lieu d’augmenter l’impôt direct, le gouvernement républicain pourrait le réduire, ce jour-là la république serait assise sur une base impérissable, la satisfaction de tous.

Des considérations plus fortes encore conseillent également la diminution plutôt que l’augmentation de l’impôt indirect. Toute diminution de l’impôt direct est une perte réelle pour le trésor ; une diminution bien entendue de l’impôt indirect peut au contraire créer des ressources nouvelles, l’expérience l’a prouvé cent fois. Cette diminution profite d’ailleurs bien sûrement au plus grand nombre, puisqu’elle porte sur le prix des objets de consommation et tend à réaliser le programme de l’école économique libérale, la vie à bon marché. Dès que le gouvernement républicain le pourra, il devra remanier avec soin notre système de taxes indirectes. Les douanes surtout peuvent être retouchées de fond en comble, dans l’esprit des dernières mesures adoptées par le gouvernement anglais et par le gouvernement américain. La plus puissante amélioration à réaliser dans l’intérêt des classes pauvres, c’est le bon marché des denrées de première nécessité et leur facile abord sur tous les points du pays.

Quoi qu’il en soit, que l’on commence ou non cette année ce remaniement, on doit s’attendre à une réduction dans les recettes, même en ne changeant rien aux impôts actuellement établis. Le mouvement des transactions reprendra vite en France, pour peu que l’ordre public