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je ne pense pas que cette leçon de théologie ait rien perdu de son importance. Les questions qu’elle traite se renouvelleront sous mille formes, et les principes qui doivent sortir de cette discussion sont les principes qui ne sauraient périr. Ne dites pas que cette impitoyable critique de Frédéric-Guillaume n’a plus d’à-propos désormais, et que le Galiléen a triomphé. Je soutiens, au contraire, que cette étude si vive, si franche, du caractère du roi de Prusse est plus opportune que jamais. Je vois bien que le roi allemand semble avoir renoncé aux intérêts particuliers de son trône pour se consacrer à la grande cause de l’unité germanique, je vois bien que cette transfiguration subite du souverain a charmé les imaginations prussiennes ; mais je ne suis pas sûr que tout cela, même en Prusse, soit le résultat d’un accord sérieux entre les esprits. Pour le salut et la dignité de tous, évitons ces éternels malentendus d’où naissent des tentatives rétrogrades, suivies de révolutions doublement furieuses. Et puis, il faut qu’on le sache, en supposant même la victoire complète du peuple, la prédication de M. Strauss s’adresserait encore à une foule d’esprits en Allemagne. Après la mort de Julien (si l’on me permet de suivre la comparaison dont M. Strauss a tiré si bon parti), lorsque le christianisme devint la religion de l’empire, tout ne fut pas fini parce que le brillant adversaire des idées nouvelles avait disparu du champ de bataille. Pendant plus d’un siècle et demi, l’école qui avait formé Julien continua sa résistance insensée et suscita des intelligences supérieures qui se dévouèrent à cette cause perdue. N’est-il pas à présumer aussi que la résistance de l’école historique survivrait à la dernière défaite de Frédéric-Guillaume ? Cette école est puissante ; elle compte dans ses rangs des écrivains d’élite, et les préjugés nationaux ont été si souvent exploités par elle, que son influence s’exerce jusque sur une fraction nombreuse du parti libéral. Que de fois et avec quelle habileté perfide n’a-t-on pas excité contre nous la défiance des meilleurs esprits ! C’est cette défiance qui fait la force de l’école historique. C’est de ce mauvais sentiment qu’on s’autorise lorsqu’on ose combattre le légitime ascendant de la France, lorsqu’on proclame tant de vides et fastueuses théories sur l’élément germanique, sur les institutions nationales, sur la nécessité de n’emprunter à personne et de ne demander qu’au passé de l’Allemagne tous les progrès de l’avenir. Quoi donc ! parce que la France a été le messie de la raison, parce que son héroïque histoire semble lui approprier les éternels principes de la justice et du droit, vous tenez ces principes pour suspects ! vous aimez mieux-vous détourner de nous, et vous cherchez la loi de l’avenir dans les traditions du moyen-âge allemand ! Si ces traditions sont conformes aux sublimes vérités dont la France poursuit le triomphe, pourquoi vous défier de nous ? Si elles