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de langage par trop semblable à celle des anciens sophistes et qui ne s’apprend que par un long exercice. Le concours place les concurrens dans une position où ne se trouvera jamais le professeur, mais à laquelle il faut être habitué de longue main. Il tue les intelligences en contraignant ceux qui veulent suivre la carrière du professorat à passer les vingt meilleures années de leur vie dans l’étude toute mnémonique de ce qu’ont fait les autres, et en les empêchant de produire quelque chose par eux-mêmes. Ici encore l’Allemagne nous offre un grave enseignement. En Autriche, les universités se recrutent par des concours analogues à ceux que nous trouvons en France ; pas une d’elles n’a un nom dans la science. Dans le reste de l’Allemagne, les universités procèdent par élection, et personne n’ignore quels éclatans services elles rendent chaque jouir. Nous ne proscrivons pourtant pas d’une manière absolue le mode actuel de concours. Il nous semble très propre à faire juger des progrès et de la capacité d’un étudiant. À ce titre, il doit être conservé pour les places d’aides scientifiques, de chefs de laboratoire. Au-delà, il est vicieux en principe. Vous aurez beau multiplier les épreuves et les rendre plus difficiles, vous n’aurez jamais qu’une lutte d’écoliers répétant plus ou moins bien leur leçon, vous n’aurez pas un concours de professeurs.

Heureusement les facultés des sciences ont jusqu’à ce jour échappé à la plaie des concours. Toutefois leur mode de recrutement est loin d’être à l’abri de tout reproche. Les deux jurys chargés de dresser les listes de candidats sont peu compétens. Qu’une place de physicien vienne à vaquer dans une faculté, ce sont des chimistes, des naturalistes, des mathématiciens qui ont à apprécier les titres des concurrens. Le seul homme spécial est précisément celui qu’il s’agit de remplacer. N’y a-t-il pas là un vice radical ? Et pourtant ce jugement, nécessairement défectueux, est peut-être encore le meilleur. A part le doyen et quelquefois un ou deux professeurs de sciences, le conseil académique se compose uniquement d’administrateurs, de littérateurs, de juristes, de médecins, de membres du conseil municipal. De bonne foi, que peut signifier le suffrage d’un pareil tribunal ? N’est-il pas à redouter que ses arrêts soient trop souvent dictés par des considérations étrangères à la science ? Ici encore nous pourrions citer des faits à l’appui de notre opinion et montrer que ces craintes ne sont point illusoires.

Nous voudrions voir appliquer aux facultés le mode de nomination adopté pour les écoles de pharmacie. Le principe de l’élection d’après les titres antérieurs est ici consacré, comme dans les facultés ; mais l’ Académie des Sciences remplace le conseil académique. Les droits du corps à compléter, ceux de la science, qu’on ne doit jamais méconnaître, sont ainsi également sauvegardés. Les professeurs sont appelés à désigner celui qu’ils désirent se donner pour collègue ; mais l’intervention