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indéfinie, et ont quitté la science pour le commerce, l’industrie ou la médecine.

Celui qui résiste au découragement ne peut guère arriver au but avant l’âge de quarante ans, souvent beaucoup plus tard. Parfois il est obligé de prendre la première place vacante sans s’inquiéter si c’est bien là l’enseignement auquel l’ont rendu propre les études de toute sa vie. Il monte dans une chaire sans avoir acquis l’habitude de parler en public, et à un âge où il lui sera plus que difficile d’apprendre jamais complètement l’art d’exposer ses idées d’une manière à la fois attrayante et complète. Bientôt arrive la seconde place. Le professeur a deux cours à faire par an. Alors de deux choses l’une : ou bien il remplit cette double tâche, et dans ce cas renonce trop souvent à ces travaux de recherches qui seuls font avancer la science, ou bien il se fait suppléer.

Ici encore nous rencontrons une de ces nombreuses lacunes que présente l’organisation des facultés. Quel sera ce suppléant ? Jusqu’à ce jour, ce choix a dépendu uniquement de la volonté du professeur. Nulle condition n’a été exigée. Aussi a-t-on pu constater de singuliers abus. Les étrangers que la renommée d’un savant illustre appelait à Paris ont dû parfois être bien étrangement surpris en écoutant certains de ces professeurs temporaires. Une agrégation fortement constituée aurait pu mettre un terme à cet état de choses. Malheureusement une première tentative a déjà échoué faute de suite dans l’application et surtout faute de précision dans le rôle attribué aux agrégés. Les ordonnances plus récentes relatives au même sujet présentent ce dernier défaut à un degré bien plus prononcé encore. Ici les agrégés ne sont pas même suppléans de droit. Aussi regardons-nous comme impossible que ces ordonnances atteignent le but qu’on s’est proposé. Pourtant la création de places secondaires qui facilitent le présent et préparent l’avenir est un des plus sérieux besoins de la science. Si l’on veut relever les facultés, il faut créer une pépinière de jeunes professeurs. Pour cela, on ne peut compter sur l’École Normale. Cette institution, qui répond si complètement aux exigences de l’enseignement des lycées, s’est jusqu’à présent montrée impuissante lorsqu’il s’est agi de l’enseignement supérieur. En province, ses élèves occupent toutes les places scientifiques des lycées. De plus, dans les facultés, les chaires de mathématiques et de physique leur sont presque réservées. Certes, on serait en droit d’attendre de ces jeunes hommes si instruits, si intelligens, qu’ils ne se bornassent pas à transmettre à autrui ce qu’ils ont appris de leurs maîtres. Et pourtant que sont leurs travaux ? Quelques traités généraux, quelques ouvrages de compilation, presque jamais des recherches originales. L’École Normale a rendu et rend chaque jour d’incontestables services ; elle ne peut les rendre tous. Peut-être se