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chose dans cette anglomanie dont les Italiens faisaient parade. On se plaignait amèrement au-delà des Alpes de notre attitude, et ce n’était pas sans motifs. Quoi qu’il en soit, le peuple italien, à cette heure, doit sans doute avoir ouvert les yeux. La mauvaise humeur manifestée par l’Angleterre à l’entrée du roi Charles-Albert en Lombardie, et certain discours où en plein parlement lord Brougham vantait dernièrement les charmes de cette bonne police autrichienne dont les Milanais avaient eu la sottise de se lasser, leur auront révélé le degré de sympathie qu’ils peuvent trouver chez nos voisins. Que si les excentricités oratoires de l’ancien chancelier ne paraissaient pas exprimer sérieusement la pensée véritable du peuple anglais, ils n’ont qu’à se demander si une Italie forte, libre et florissante, c’est-à-dire commerçante et maîtresse d’une partie de la Méditerranée, serait fort du goût de la cité de Londres ? La Grèce et l’Espagne sont là pour leur répondre.

La constitution proclamée à Naples et en Sicile eut pour conséquence immédiate l’établissement de constitutions analogues dans les autres états déjà en voie de réformes. Pour le Piémont et la Toscane, la difficulté n’était pas grande, ces deux états offrant, quoique dans des proportions inégales, les élémens sur lesquels repose l’institution du gouvernement représentatif. Pour Rome, la tâche était moins facile. La séparation des pouvoirs temporel et spirituel était un problème que les plus habiles avaient toujours considéré comme insoluble, et qui l’eût été certainement avec un pontife moins éclairé, moins dégagé des préjugés héréditaires de la cour romaine que ne l’est le pape Pie IX. Toutefois, pour ceux qui connaissaient cet esprit élevé, dont le trait distinctif est une probité profonde et un inaltérable bon sens, le dénoûment n’avait rien qui pût inspirer de sérieuses inquiétudes. Le pape, depuis son avènement au trône pontifical, n’avait reculé devant aucune des concessions que réclamait son peuple, chaque fois qui, dans le recueillement de sa conscience, il les avait reconnues nécessaires et surtout compatibles avec la loi chrétienne. La tactique de la faction austro-jésuite opposée aux réformes avait toujours été de confondre la question politique avec la question religieuse, et d’intéresser la conscience du pape en lui représentant la foi comme menacée par les réformes qu’il introduisait dans l’ordre temporel. Si en quelques circonstances ce parti était parvenu à arracher des mesures qui pouvaient offrir une apparence de réaction, il n’avait obtenu ces concessions qu’en s’adressant aux scrupules religieux de Pie IX ; mais ces temps d’arrêt n’avaient jamais été de longue durée. Rendu à lui-même et à ses propres instincts, le pape a toujours montré qu’il ne répugnait à aucun progrès politique ; nul souverain n’est moins que lui jaloux de ses prérogatives, n’est plus que lui disposé à en faire bon marché, s’il doit en résulter un bien quelconque pour ses sujets. Un cœur simple et une religion sincère l’ont fait réformateur mieux que tous les calculs de la politique. La justesse de son esprit lui a fait comprendre les maux de la situation, l’urgence d’y remédier. A force de sagacité, il a pu éviter les écueils et réussir là où de plus habiles eussent probablement échoué ; mais la bonne foi n’est-elle pas souvent la plus grande des habiletés ?

Le dernier pas était fait. Le gouvernement parlementaire fondé à Naples, en Toscane et en Piémont, à la veille d’être établi à Rome ; une alliance de jour