argent présentées en 1828 au contrôle de la garantie, il ne lui en avait été soumis, en 1832, que 9,801 des unes, 34,500 des autres ; ces nombres avaient été moindres encore en 1831, et ils ne semblaient s’être relevés que par l’augmentation de la quantité considérable de boîtes fabriqués à Besançon qui se garnissaient de mouvemens tirés de la Suisse. Quelles étaient les causes de cette décadence ? Quelques journées de loisir employées à les rechercher m’apprirent bientôt que la cherté relative de notre fabrication ne tenait ni à l’inexpérience de nos ouvriers (ils se flattaient avec raison d’être aussi habiles que les ouvriers suisses), ni à la nature ou à la valeur des matières premières (elles étaient les mêmes pour les uns et pour les autres), ni même aux prix des subsistances, qui ne différaient pas sensiblement. Quant à l’étendue et à la proximité des débouchés, l’avantage était de notre côté. Il ne restait, dans le cercle du débat ainsi rétréci, que la manière de vivre des ouvriers. Ce point de vue une fois fixé, les incertitudes disparaissaient, et la décadence de notre fabrication n’était que trop bien expliquée. Nos ouvriers habitaient une ville de trente mille ames ; la cherté relative des vivres en dedans des murailles, et l’obligation de tout payer, jusqu’aux moindres objets de consommation, n’étaient pas leur plus lourde charge : ce qui leur coûtait le plus, c’était évidemment leur participation aux distractions ordinaires d’une grande population agglomérée et d’une nombreuse garnison ; ces distractions, fort dispendieuses en elles-mêmes, entraînaient des liaisons souvent funestes et des pertes de temps pires pour les classes laborieuses que des pertes d’argent. Les habitudes de dissipation rendent pesant le joug de la vie de famille. Rien n’était moins rare que de voir des jeunes gens, à peine parvenus à leur majorité, se séparer de leurs parens et faire ménage de garçon ; le sentiment d’indépendance général dans cette société s’étendait sur les jeunes ménages qui se formaient ; chacun voulait un chez soi à part, et dès-lors tous les avantages économiques de la communauté d’existence étaient sacrifiés. En Suisse, les choses se passaient autrement : l’industrie était disséminée dans la campagne ou groupée dans des bourgs, où l’on était à l’abri des occasions de dépense et des séductions dont étaient assiégés les ouvriers de Besançon ; la vie patriarcale était celle de la plupart des familles ; réunies dans des maisons vastes et commodes, plusieurs générations étaient souvent associées sous le patronage d’un aïeul commun ; un seul feu, une seule marmite, suffisaient à plusieurs ménages ; de vastes jardins cultivés dans les momens de loisir, des laiteries conduites par les femmes de la maison, fournissaient presque gratuitement une grande partie de la nourriture. Cette vie innocente et fraternelle donnait-elle une moindre somme de bonheur que la vie agitée de nos ouvriers ? Personne n’oserait le prétendre, et, quant au résultat économique, l’entretien des
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