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compte également 2,000 Européens sans aucun mélange d’indigènes, etc. Par une disposition particulière qui aurait dû être imitée ailleurs, la ville européenne a été construite à Tenès à une demi-lieue de la ville indigène.

On voit que, dans les villes d’Afrique, le plus fort est déjà fait. À l’exception de Constantine, de Tlemcen et de Mascara, où il n’est pas nécessaire qu’ils soient les plus nombreux pour rester les maîtres, les Européens sont en majorité dans toutes les villes ou sur le point de l’être ; ils forment les deux tiers de la population à Alger, à Oran, à Bône ; ils sont presque seuls à Philippeville, à Tenès, à Bouffarik ; encore quelques efforts, et ils domineront définitivement à Mostaganem, à Miliana, à Blida, à Koléa, à Cherchel, à Médéa même. D’autres villes que je n’ai point encore nommées, parce qu’elles n’ont jusqu’ici que peu d’importance, Bougie, Dellis, La Calle, Gigelli, Arsew et Nemours sur la côte, Guelma, Sétif, El-Arouch, Orléansville, Saint-Denis, Misserghin, et les villes naissantes d’Aumale et de Sidi-bel-Abbès dans l’intérieur, et jusque sur la frontière du désert, Batna, Boghar, Teniet-el-Had, appellent des habitans. Bougie compte déjà 600 Européens, Arsew 900, Nemours 400, Guelma 800, Sétif 700, Orléansville 700, Aumale 500, Misserghin 700 ; à Batna même et à Boghar, il y a près de 300 Européens, et à Teniet-el-Had près de 200.

Chacune de ces villes a sa raison d’être : les unes, comme Alger, Oran, Bougie, Bône, sont des ports qui mettent le reste du monde en communication avec l’Afrique ; les autres, comme Orléansville, Miliana, Médéa, Aumale, sont à la fois des stations militaires et des entrepôts de commerce pour l’intérieur ; Tenès espère dans ses mines, Blida dans ses jardins et ses chutes d’eau, qui peuvent donner naissance à de nombreuses usines ; Bouffarik est le marché de la Mitidja, Batna et Boghar sont des comptoirs avancés où les produits du centre de l’Afrique viennent s’échanger contre ceux de l’Europe. Ce sont là des causes d’existence essentielles et fondamentales ; toutes ces villes sont sûres de vivre ; en s’attachant à elles, les émigrans lient leur sort à ce qu’il y a de plus solide et de plus résistant sur la terre d’Afrique.

Ce principe de la séparation des deux populations, l’une habitant les campagnes, et l’autre les villes, une fois admis, la distinction actuellement établie entre les territoires civils et les territoires mixtes tombe nécessairement. Cette distinction s’appliquerait beaucoup mieux aux personnes qu’aux territoires ; en quelques lieux qu’ils se trouvent, les Européens doivent vivre sous un régime civil, et les Arabes sous un régime particulier. J’ai dit quel devrait être, selon moi, le régime européen : c’est celui de la liberté locale la plus étendue. Quant aux Arabes, leur organisation actuelle est bonne, et n’a besoin que de développement. Il est facile d’encourager parmi eux l’usage de quelques