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elles furent inspirées par un sentiment d’hostilité déclarée contre l’Angleterre, avec laquelle nous voulions répudier tout commerce, et si elles n’ont pas été appliquées alors aux articles en soie et en lin comme aux articles en coton ou en laine, c’est que ces derniers étaient les seuls que l’Angleterre exportât alors. Plus tard, ces prohibitions ont été maintenues, on peut le dire, par négligence, par paresse, négligence et paresse auxquelles les préjugés ont donné ensuite un faux air de prudence et de raison. Pour les articles en soie et en lin, les tarifs ont été réglés à d’autres époques et sous l’inspiration de sentimens moins violens, en 1791, 1816, 1836 et 1842 ; aussi les droits sont-ils comparativement modérés, et ils le sont plus ou moins selon qu’au moment où les lois ont été rendues, l’esprit restrictif dominait plus ou moins dans la législature.

Entre ces régimes si divers, il est donc très facile d’établir une comparaison, et, concluant de l’un à l’autre, de raisonner presque à coup sûr. On peut se demander d’abord pourquoi et en vertu de quelle infirmité particulière, les industries du coton et de la laine, qui prétendent aujourd’hui, par l’organe d’un certain nombre de leurs représentans, que la levée des prohibitions leur serait mortelle, pourquoi ces industries, disons-nous, ne supporteraient pas, sans sourciller, le régime de droits modérés auquel se plient si bien les industries sœurs de la soie et du lin. Si ces dernières ne succombent pas, pourquoi les autres succomberaient-elles ? Les droits modérés qui s’appliquent aux soieries et aux toiles étrangères n’en empêchent pas, il est vrai, l’importation dans une certaine mesure, et il n’est pas bon qu’ils l’empêchent ; mais où voit-on qu’ils donnent ouverture à cette invasion désordonnée, à cette inondation dévastatrice que l’on redoute ? Si les industries de la soie et du lin ne jouissent pas actuellement d’une prospérité très grande, ce n’est pas du moins la concurrence étrangère qui en arrête l’essor.

Pour les tissus de soie, l’importation n’a été, en 1846, que de 5,400,000 francs, valeur officielle ; la moyenne des cinq années antérieures avait été de 5,800,000 francs. Non-seulement ces chiffres n’ont rien d’effrayant, mais on peut dire qu’ils sont trop faibles. Si quelque