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les ustensiles de ménage, la poterie, le métier à filer, les enfans même, enfin tout ce qui appartient au malheureux paysan est sujet aux extorsions des officiers du fisc et devient une source de revenus pour l’état. On entend les jeunes collecteurs parler avec le plus grand sang-froid des propriétés qu’ils ont saisies et vendues par centaines, et ils vous disent, sans s’émouvoir, que leur district est à peu près ruiné. Que penserait-on en Angleterre d’un système qui aurait tellement avili les propriétés foncières, qu’on trouverait peu d’acheteurs qui voulussent les prendre au prix de la récolte d’une armée ? Le soleil de l’Inde a-t-il donc endurci nos cœurs à ce point qu’il n’y ait personne parmi nous qui entreprenne de soulager ces infortunes ? La vue d’un riche Hindou, avec ses éléphans, ses chevaux et ses domestiques, provoque toujours un sentiment de colère et de jalousie chez les jeunes civiliens. Il est bien rare aujourd’hui de rencontrer dans nos provinces un indigène qui ait encore quelque fortune, mais je me rappelle un bon collecteur auquel toute cette pompe inspirait toujours la pensée d’augmenter les contributions de celui qui l’étalait. Inutile d’ajouter que cette pensée était promptement mise à exécution. »

L’impôt sur le sel, le commerce de l’opium, les droits de douane et de timbre, et la taxe sur les boissons, constituent les autres branches du revenu public dans le Bengale. Le droit de consommation que le trésor perçoit sur le sel est de 10 francs par quintal, et il rapporte, année commune, 40 millions de francs nets. La douane, le timbre et l’accise fournissent un contingent de 25 millions de francs en chiffres ronds. Quant à l’opium, le marché conclu à coups de canon entre la Chine et l’Angleterre a rapporté, en 1844, un bénéfice de 47 millions de francs sur l’opium produit dans le Bengale. Les documens nous manquent pour la présidence de Bombay, et nous ne saurions dire la somme pour laquelle ce monopole figure dans son budget. Le privilège exclusif de culture et de fabrication pour le compte de l’état est confié à un petit nombre d’agens, et l’opium, soigneusement empaqueté, est dirigé sur les marchés de Calcutta ou de Bombay dans des caisses de 80 kilogrammes. La caisse d’opium coûte 875 francs au gouvernement, et elle est vendue à l’enchère à un prix qui varie de 3,200 à 3,800 francs. L’agiotage s’est emparé de cette drogue, qui semble devoir être fatale à tous ceux qui la touchent, et de nombreuses faillites constatent, chaque année, les progrès du fléau que la civilisation européenne a introduit dans l’Inde. Un fait sans exemple a révélé, l’année dernière, la funeste influence que cet agiotage exerce sur les mœurs publiques. Quelques spéculateurs de Calcutta avaient conclu des marchés fictifs pour une quantité considérable d’opium, et la différence en hausse ou en baisse, devait être réglée suivant le cours de la marchandise au jour de la vente publique fixé par le gouvernement ; Irais, quand le terme fut arrivé et que