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de remarquer que ceux par qui elle a été traitée n’ont jamais eu en vue que le travail manuel. Or, les travailleurs ne sont pas seulement les ouvriers ; or, si l’on garantit un travail suffisant aux ouvriers, il faut garantir aux travailleurs intellectuels un travail productif ; or, si l’on organise l’activité matérielle, il faut organiser le génie et la vertu. Qui donc y a songé jusqu’ici ?

Revenons au vrai : dans l’ordre matériel, l’état doit protection aux faibles contre les forts, comme dans l’ordre moral aux bons contre les méchans, comme dans l’ordre intellectuel aux idées fécondes contre les doctrines subversives. Il ne peut pas plus assurer le bien-être que décréter la vertu et la vérité, il le peut encore moins à l’aide d’un système qui conduit à l’appauvrissement ; son seul devoir est de combattre la misère aussi bien que l’erreur et le crime, mais sans porter plus d’atteinte à la liberté du travail qu’on n’entend en porter à la liberté de la conscience et de la pensée : il n’a pour arriver à ce but qu’à rendre le travail plus loyal pour tous, plus accessible à chacun.

Ainsi le capital manque, il fait défaut notamment à l’agriculture ! Rendez l’union du capital et du travail plus étroite et moins onéreuse ; que l’ouvrier trouve partout les instrumens nécessaires à son activité. Pour cela les mesures abondent, les monts-de-piété, l’emprunt, les billets à rente, les billets hypothécaires, et vous avez cette bonne fortune que vous pouvez, au moyen d’une combinaison nouvelle substituée aux rigueurs de l’ancien régime hypothécaire, prendre aux caisses d’épargne la plus grande partie de ce que vous donnerez à l’agriculture, en même temps que vous leur aurez assuré un placement solide, car le produit des caisses d’épargne ne peut demeurer stérile dans les coffres de l’état. Les événemens ont démontré combien étaient vaines les promesses d’un remboursement quand même ; bornons-nous à désirer, pour les épargnes du pauvre, un gage à l’abri de la dépréciation. Quoi de préférable au sol sous ce rapport ?

Le capital s’accumule ! Rendez sa circulation plus facile par l’escompte, les banques, la diminution des frais d’emprunt, de recouvrement ; que l’état prête, escompte et recouvre ; restreignez le droit d’héritage à ce qu’il a de nécessaire pour stimuler au travail et garantir l’ordre ; faites ainsi qu’il devienne presque impossible de perpétuer l’oisiveté dans plusieurs générations d’une même famille.

Le capital exploite le travail, et l’ouvrier veut être garanti contre l’arbitraire du maître ! Multipliez les conseils de prud’hommes ; donnez à l’arbitrage amiable plus d’attributions ; l’arbitrage est la meilleure garantie contre l’arbitraire : établissez même, s’il est besoin, pour les principales industries, quelque chose de semblable à la taxe du pain et aux tarifs des objets de première nécessité. Ces tarifs, ces taxes variables selon les milieux où elles seraient fixées, ces arbitrages de juges intéressés