Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 21.djvu/986

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pie IX et ses actes est presque une satire de l’institution, tant ils ont paru surpris qu’elle pût encore produire quelque bien ! En dehors de la péninsule, la papauté a été souvent jugée avec plus de bienveillance ; de loin, son antique splendeur, quoique à demi éclipsée, cachait ses misères ; autour d’elle, il n’y a pas plus d’illusions que d’indulgence.

Tes plus grands ennemis, Rome, sont à tes portes.

Au contraire, pour l’Europe, la papauté est surtout une autorité générale placée depuis des siècles au faîte de la religion, dont elle maintient l’unité. Sous ce rapport, elle appartient au monde. Si d’un côté la papauté est italienne, de l’autre elle est universelle. Comme l’antique Janus, elle a deux visages ; c’est un gouvernement, c’est un pontificat. Cette double nature qui fait sa grandeur complique étrangement les difficultés quand il s’agit, comme en ce moment, de changer les institutions du peuple romain. Le régime représentatif n’est-il pas incompatible avec une administration entre les mains des prêtres ? Ne faudrait-il pas séparer nettement le gouvernement de l’église d’avec le gouvernement de l’état ? Si cette séparation devient nécessaire, il est difficile qu’elle s’accomplisse sans la participation de l’Europe. Il faut que la puissance spirituelle du pape garde son indépendance et sa majesté au milieu des changemens introduits dans le gouvernement des États Romains. Ce n’est plus là un intérêt italien, mais un intérêt général pour toutes les nations catholiques. Au moyen-âge, la papauté intervenait partout : nous aurons inévitablement le spectacle contraire de l’intervention de l’Europe dans les affaires de la papauté. Cette haute sollicitude du pouvoir politique pour la puissance spirituelle ne sera pas un des faits les moins considérables du XIXe siècle.

Si la vue impartiale du passé et de notre siècle nous a conduit à croire que la papauté ne saurait plus avoir d’autre rôle que d’être l’expression désintéressée de la puissance spirituelle, combien les événemens immenses qui éclatent au moment où nous terminons cette étude historique nous confirment dans cette conviction ! En effet, plus les sociétés sont remuées par des révolutions soudaines et profondes, plus il importe qu’au milieu d’elles l’élément religieux subsiste et s’affermisse loin de disparaître ou de s’effacer. D’un autre côté, en présence de ces nouveaux témoignages de l’instabilité des choses humaines, l’église et la papauté doivent plus que jamais se détacher des ambitions temporelles pour puiser toute leur autorité dans les sentimens et les idées qui ont inspiré l’Évangile. Nous sommes dans un grand moment, car voici l’heure où la vertu de toutes les doctrines sera éprouvée. Tirer du christianisme les enseignemens et la consolation