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restait indécise et douteuse. Aussi lorsque saint Louis, refusant tant pour lui que pour ses fils la couronne de Sicile, eut enfin permis à son frère de l’accepter, après avoir débattu dans son conseil et sensiblement modifié les conditions faites à Charles d’Anjou par Urbain IV, on peut dire que ce consentement du roi de France, donné après un si mûr examen de la question, fut pour la maison de Souabe comme un premier échec, comme une condamnation morale. Quelle différence entre Henri III et Louis IX dans leur manière de répondre aux offres de la papauté ! Toutes les prétentions du saint-siège avaient trouvé dans le roi d’Angleterre une docilité absolue ; le roi de France, au contraire, dans le cours d’une négociation qui dura près de deux ans, pesa les unes après les autres les propositions du pape et les réponses du comte de Provence. Ce n’était pas trop de la raison si droite et si ferme de saint Louis, appuyé des conseils et de l’expérience de nos meilleurs jurisconsultes, pour lutter contre l’habileté romaine. Après avoir exposé avec une remarquable précision tous les détails de cette affaire, M. de Saint-Priest ajoute : « Dans cette négociation, la cour de Rome déploya beaucoup de souplesse, et surtout une connaissance aussi prématurée qu’approfondie de ce qu’on a appelé depuis les formes diplomatiques. On les reconnaît, dans ces antiques monumens, aussi achevées, aussi complètes que de nos jours. Tout s’y retrouve comme dans l’arsenal compliqué de nos négociations modernes. » Peut-être au XIIIe siècle la connaissance des formes diplomatiques n’était-elle pas pour la cour de Rome aussi prématurée que semble le penser M. de Saint-Priest. Pour ne remonter qu’au IXe siècle, sans parler de l’immense correspondance qu’eurent dès l’origine les évêques de Rome avec toutes les églises, lorsque la papauté eut reçu de la munificence des Carlovingiens une consistance temporelle, une assiette politique, seule de tous les gouvernemens de l’Europe, elle entretint des relations avec les différens états ; elle se fit représenter auprès des empereurs d’Allemagne, des rois de France et d’Angleterre, par des légats, véritables ambassadeurs, et, dans leurs dépêches, elle puisait la connaissance de toutes les affaires de la chrétienté. Si à la fin du moyen-âge Louis XI, comme le remarque Ancillon, fut le premier des rois qui imagina d’avoir dans tous les pays de l’Europe des observateurs avoués qui pussent l’instruire de la situation des états et des projets des cours, il y avait cinq siècles que la politique pontificale avait pris les devans, et qu’au milieu de l’isolement de tous les peuples, Rome rayonnait par sa diplomatie sur tous les points du monde.

Il était à la fois noble et habile, en acceptant du saint-siège une couronne, d’en maintenir les droits et les prérogatives. Charles d’Anjou voulait servir l’église, non-seulement en chrétien dévoué, mais en roi puissant. Il porta dans son entreprise et sur le trône de Naples l’orgueil