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qu’alors l’Allemagne réagit vivement, non moins contre la suprématie pontificale que contre la liberté de l’Italie. Nous l’avons dit, par l’audace de ses théories et de ses actes, la papauté avait donné le signal de la résistance, et l’empire eut une politique qui ne fut pas moins systématique et entreprenante que celle du sacerdoce. La maison des Hohenstaufen voulut venger les injures de la maison salique, et elle soutint contre la papauté une lutte qui constitue une des plus grandes époques de l’histoire moderne, car tout y paraît dans de vastes proportions ; les passions et les idées, les caractères comme les événemens. Cependant les esprits qui fermentaient trouvaient un aliment dans la jurisprudence et la philosophie, qui devinrent promptement pour la théologie de redoutables rivales ; les imaginations étaient ébranlées, et la poésie, dont les interprètes menaient eux-mêmes une vie pleine d’aventures, avait des chants où la grandeur épique et l’intérêt du récit n’étouffaient pas les traits de la satire.

Dans cette période, qui embrasse plus d’un siècle et demi, quelle ample matière pour l’historien, soit qu’il se sente la force d’en saisir et d’en représenter l’ensemble, soit qu’avec une discrétion prudente et habile il y choisisse un moment, un aspect sur lequel il travaillera particulièrement à répandre la lumière ! C’est ce dernier parti qu’un ingénieux écrivain a préféré. Le sujet dont il s’est emparé ne s’ouvre véritablement qu’après la disparition de Frédéric Barberousse et de Frédéric II. Ces héros sont morts ; la lutte continue entre leur descendance et la papauté, qui, pour résister efficacement an génie de l’empire, appelle à Naples et en Sicile un prince français. Un des plus illustres chevaliers de la chrétienté, le frère de saint Louis, Charles d’Anjou, accepte l’investiture des mains du pape, passe en Italie, abat successivement Mainfroy, ce hardi et courageux bâtard, Conradin, que le double éclat de sa jeunesse et de sa race ne sauve pas de la hache du bourreau, et fonde à Naples une dynastie à laquelle l’insurrection victorieuse de tout un peuple arrache la Sicile. Voilà le thème historique de M. de Saint-Priest. Nous examinerons, chemin faisant, si l’auteur a conduit son ouvrage assez loin pour donner une idée complète de l’établissement et des destinées de la maison d’Anjou à Naples, mais personne ne contestera la grandeur et l’intérêt du sujet sur lequel se sont arrêtées ses prédilections. Les idées et les croyances du moyen-âge y sont représentées par de glorieux champions, la politique s’y développe et s’y noue par des complications qui amènent de sanglantes catastrophes ; enfin l’histoire, sans qu’on la dénature, s’y élève à de pathétiques effets. Tout cela n’a pas manqué d’exercer une séduction puissante sur l’esprit éminemment littéraire de M. de Saint-Priest. Frappé des élémens dramatiques d’un pareil sujet, l’écrivain n’a pas hésité à donner à son livre les traits et les couleurs d’une œuvre d’imagination,