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les préventions qui s’élevaient ici contre la domination catholique, s’est trouvé conduit à les corroborer. A l’occasion du crédit annuel de perfectionnement et de secours demandé pour l’ancienne industrie linière, le ministère a provoqué des recherches sur l’emploi des fonds précédemment votés, et il en est résulté pour le public cette conviction, que, dans les mains du clergé, placé à la tête de presque tous les comités de répartition, ces fonds de perfectionnement s’étaient souvent convertis en nouvelle cause de décadence. Soit défaut de plan et charité mal entendue, soit persuasion que le mieux était de secourir les ouvriers liniers au jour le jour, sans se préoccuper de progrès que l’émigration de Guatemala, ce chimérique exutoire de tout intérêt froissé par la politique d’isolement, allait, dans leur pensée, rendre inutiles, bon nombre de ces comités s’étaient bornés à faire chez les fileurs et les tisserands les plus pauvres des commandes qu’ils payaient au-dessus du cours, sauf à revendre ensuite à perte pour recomposer le plus tôt possible leur fonds de roulement. De là deux inconvéniens les ouvriers ainsi secourus, sûrs d’un placement qu’ils savaient n’être qu’une aumône déguisée, songeaient moins à travailler bien qu’à travailler vite, et leurs produits, quoique inférieurs, allaient faire cependant une concurrence écrasante au travail de l’ouvrier non secouru, protégés qu’ils étaient par un bon marché factice. Des mesures ont été prises pour prévenir le retour de semblables contre-sens ; mais la question des Flandres n’est rien moins que résolue. M. de Theux la lègue tout entière aux libéraux.

Il la lègue enclavée dans un chiffre effrayant, et que je recommande aux méditations des derniers partisans de la « liberté comme en Belgique. » Avec un budget qui présentait de fréquens excédans de recettes ; avec un revenu croissant, une moyenne individuelle d’impôts directs décroissante et une dette constituée environ moitié moindre, toute proportion gardée, que la nôtre ; avec un admirable réseau de voies de communication qui vivifie toutes les parties du territoire, et dont la construction seule a éparpillé en salaires plus de 150 millions ; avec cent industries prospères, enfin, à mettre en regard d’une seule industrie aux abois, la Belgique a vu, en treize ans, son paupérisme tripler et atteindre, au milieu des progrès de la fortune publique et privée, la proportion presque irlandaise d’un pauvre sur quatre habitans. Comment expliquer ces mouvemens inverses ? Le fait tout local de la crise linière n’y suffit pas : le chiffre de la population indigente a suivi une progression anormale ailleurs que dans les districts liniers. Il faut donc chercher une cause uniforme et permanente à cette anomalie, et on a beau interroger le mal sous tous ses aspects, sonder le corps social dans tous ses replis et en dehors de toute défiance préconçue, un même fait se dresse au bout de toutes ces investigations :