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mant Boccace, qui se faisait honneur d’être un disciple de Dante, bien qu’il lui ressemblât si peu par le génie. On n’en finirait pas s’il fallait compter tous les commentateurs. Cela dura ainsi jusqu’au XVIe siècle. Survient la déchéance politique et morale, l’abaissement complet du siècle qui suit, et la gloire du poète s’évanouit comme toutes les grandeurs. Il paraît à peine trois éditions de la Comédie dans cette période, lorsqu’il y en avait eu quarante dans le siècle précédent, au moment, il est vrai, où l’imprimerie venait d’être découverte. Il en est ainsi jusqu’à l’espèce de renaissance qui signala le XVIIIe siècle. Là encore, Dante retrouva de fervens sectateurs parmi tous les esprits distingués qui s’éveillaient. On n’ignore pas les vives discussions qui eurent lieu en Italie, il y a quarante ans, et qui étaient occasionnées par la tentative de quelques écrivains, tels que Monti, qui voulaient retremper la langue aux sources dantesques. Ainsi, toutes les fois qu’une lueur de renaissance a brillé en Italie, on a vu reparaître ce vieil apôtre de la poésie à l’horizon. Depuis Monti, Dante a occupé bien des écrivains modernes, non seulement des critiques et des érudits, mais les poètes eux-mêmes ; il a inspiré à Silvio Pellico son drame de Françoise de Rimini, et à M. Sestini son poème distingué de la Pia. D’autres viendront encore, sans nul doute, qui échaufferont leur intelligence au même foyer ; mais, au point où nous sommes, à la date où écrit M. Balbo, la gloire de Dante n’est plus seulement une gloire italienne, elle étend plus loin ses rayons ; c’est une gloire européenne à laquelle tous les peuples paient également leur tribut. La Comédie est commentée dans des chaires publiques en Allemagne et en France, à Paris et à Berlin. Le travail de M. le comte Balbo est un document de plus dans cette œuvre générale d’éclaircissement qui porte sur la production épique la plus mystérieuse, la plus grandiose et la plus complète de la littérature du moyen-âge.



— Pendant long-temps l’histoire de la musique, objet de tant de curieux travaux en Allemagne, a été négligée en France, et aujourd’hui même les élémens d’un travail complet sur les diverses révolutions de l’art musical dans les temps modernes sont encore loin d’être réunis. Il ne s’agit pas de construire l’édifice, mais d’en découvrir et d’en rassembler les matériaux. Aussi doit-on accueillir et signaler favorablement tout effort tenté pour hâter le moment désirable où il deviendra possible de faire succéder les résumés lumineux, les vues d’ensemble aux monographies spéciales. Éclairer telle ou telle partie de cette histoire, c’est faciliter la tâche de l’écrivain qui, plus tard aidé de documens précieux, voudra élever à l’art musical un digne monument. Tel est le rôle que s’est attribué l’auteur d’un remarquable ouvrage récemment publié sur la Musique militaire[1], M. George Kastner. Ce n’est pas seulement un traité dogmatique sur un sujet tout spécial que M. Kastner a voulu écrire : c’est un point important des annales de l’art qu’il a cherché à mettre en lumière ; pour lui, le développement de la musique est intimement lié au développement même des sociétés, et c’est en se plaçant à ce point de vue qu’il a su répandre un vif intérêt sur des questions

  1. Manuel général de Musique militaire, par M. G. Kastner. Un beau vol. in-4e avec planches, chez Firmin Didot.