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il les a trouvées dans les traditions et les souvenirs laissés par les plus illustres citoyens de l’Amérique.

Du côté de l’Angleterre, les premières manifestations ne sont pas moins rassurantes. Lord Normanby, dans une conférence avec M. de Lamartine, lui a fait connaître que son gouvernement avait à notre égard les dispositions les plus amicales. Cette communication a d’autant plus d’importance qu’elle semble être le résultat d’instructions envoyées de Londres. L’opinion en Angleterre n’a pas hésité à se déclarer en faveur de la révolution de 1848 ; le langage du Sun et du Times n’est pas équivoque. L’annonce des premiers événemens a produit l’émotion la plus vive dans la chambre des communes, et les deux chefs du cabinet whig, lord John Russell et lord Palmerston, paraissent avoir pris sur-le-champ la résolution de reconnaître le nouveau gouvernement de la France. Ici encore ce qui s’est passé à l’époque de notre première révolution doit servir de leçon aux deux peuples, qui ne sauraient vouloir recommencer la longue lutte à laquelle ils se sont livrés pendant vingt ans. La paix, l’industrie, le même amour pour la liberté, tout a établi entre la France et l’Angleterre des rapports et des liens qui n’existaient pas en 1789. Nous ne croyons pas qu’il y ait en Angleterre un homme d’état qui voulût reprendre l’entreprise et les haines de M. Pitt, et tenter de coaliser l’Europe contre la France. Il ne trouverait ni les passions ni les moyens dont a pu disposer contre nous cet ardent adversaire. Qui donc, se ferait le promoteur d’une coalition ? Ce n’est pas l’Autriche, qui est impuissante à comprimer en même temps la Gallicie et l’Italie, puisque, s’il faut en croire la presse allemande, une armée russe devrait occuper le premier de ces pays, pour laisser à la cour de Vienne la faculté de concentrer une plus grande masse de troupes dans la péninsule. Les affaires intérieures de l’Allemagne embarrassent trop la Prusse pour qu’elle puisse songer, comme en 92, à prendre l’offensive. D’ailleurs, le premier besoin de la nation prussienne n’est-il pas aujourd’hui la conquête de tous les droits politiques qu’elle réclame depuis long-temps ? Quant à la Russie, que peut-elle contre la France sans l’alliance et le concours de l’Allemagne ?

Quelles que soient les circonstances et les événemens qui nous attendent, l’avenir sera laborieux, il ne faut pas se le dissimuler, et il impose à tous de grandes obligations de dévouement et d’activité. Ceux qui seraient tentés de croire que, lorsqu’il survient des temps où la force et le secret des choses se révèlent par des coups de foudre et des tempêtes, les travailleurs dans l’ordre intellectuel peuvent se retirer à l’écart et sont autorisés à s’abstenir, ceux-là commettraient une étrange erreur. C’est au moment où un pays est puissamment remué par de grandes crises qu’il lui importe le plus que tout ce qui relève de la pensée, la science, les lettres et l’art, loin de tomber dans une prostration périlleuse, se maintienne au moins au niveau du passé. Quand les faits ont marché à pas de géant, les idées ne doivent pas rester en arrière, faibles, découragées et languissantes. Il y aurait là un triste contraste auquel, ce nous semble, ne sauraient se résigner les écrivains et les artistes, ni ceux qui entrent dans la carrière pleins d’ardeur et d’avenir, ni ceux que vient surprendre au milieu de la vie un grand événement. Pour la jeunesse, pour les talens nouveaux, n’est-ce pas un devoir de féconder par le travail les inspirations et les