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Il en est une plus importante, et qui, bien qu’antérieure de quelques années, semble être le couronnement de ses travaux. Wolf avait souvent dans ses leçons essayé de constituer la science de l’antiquité, d’en faire voir la portée et les applications diverses. Il voulut donner à ses idées une forme définitive, et publia une sorte d’Organum. Il ne borne pas la philologie à l’étude des langues ni surtout à l’étude du grec et du latin. Tout ce qui peut jeter quelque jour sur la civilisation des anciens peuples, sur leurs mœurs, leur religion, leur caractère national et leur constitution politique, rentre dans la sphère du philologue. Aussi la philologie n’est-elle pas seulement une science auxiliaire destinée à hâter les progrès de la philosophie ou de l’histoire : elle a une existence propre ; c’est bien le moins qu’on lui laisse une place à elle sur le sol qu’elle a déblayé. Des connaissances aussi complexes appellent le concours de toutes les intelligences ; chaque chose y trouve sa place, depuis les efforts assidus du compilateur jusqu’aux divinations les plus hardies. Wolf voulut aussi rétablir la certitude de la critique. La critique, selon lui, ne procède pas par tâtonnemens ; elle repose sur dés principes arrêtés ; ses hésitations tiennent à l’insuffisance des matériaux et non à sa propre impuissance. Il poursuit en indiquant la filiation des diverses parties de la science. Sur ce point, on peut lui reprocher d’avoir trop multiplié les divisions ; on peut même contester l’importance relative qu’il accorde à quelqu’une des branches accessoires, et M. Boeckh a eu le droit de réclamer en tête du Corpus des inscriptions grecques contre la part trop restreinte qu’il a faite aux études épigraphiques. Il n’est pas moins vrai de dire que, depuis Wolf, il n’y a guère d’année où, dans chaque université, quelque professeur ne traite le même sujet, et son essai est le texte sur lequel s’agitent encore les controverses.

Le philologue de Wolf ne serait guère moins introuvable que l’orateur de Cicéron. Wolf, sans prétendre à réaliser son idéal, ne resta cependant complètement étranger à aucune des connaissances qu’il passa en revue. L’historien Nicolas Damascène compare l’étude de la littérature à un long voyage : on se met en route et l’on parcourt de vastes pays ; dans quelques endroits on ne fait que passer, on séjourne plus long-temps dans d’autres, et l’on arrive enfin à un lieu de refuge où s’écoule le reste de la vie. Ainsi Wolf avait choisi pour s’y établir une certaine contrée ; mais, sans être toujours sur les chemins comme Heyne, il fit au dehors de nombreuses excursions. Ceux qui lui ont contesté le sentiment des arts plastiques oubliaient trop que Goethe le jugea digne d’être son collaborateur dans le monument qu’il éleva à la gloire de Winckelmann. Les termes avec lesquels Wolf parla des études mythologiques et quelques pages sur les sacrifices, insérées dans ses Mélanges, témoignent qu’il sentit toute la portée de cette science si