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sainte escripture, ni rien : sinon que tout e mort, et que home et beste soyt tout un. Si javes dict cela, non seulement dict, mays escript publicamant, pour enfecir le monde, je me condêntres moy mesme a mort.

« Pour quoy, messeigneurs, je demande que mon faulx accusateur soyt puni poena talionis, et que soyt detenu prisonnier comme moy, jusques a ce que la cause soyt diffinie pour mort de luy ou de moy, ou aultre poine. Et pour ce faire je me inscris contre luy a la dicte peine de talion. Et suys content de morir, si non est convencu, tant de cecy, que d’autres choses, que je lui mettre dessus. Je vous demande iustice, messeigneurs. Justice, iustice, iustice.

« Fait en vous prisons de Geneve, le 22 de septembre 1553.

« Michel Servetus,

« En sa cause propre. »


Les cruelles souffrances de Servet avaient exaspéré son ame et troublé son esprit. Quand vint la réfutation écrite de Calvin, au lieu d’y répondre, il se borna à couvrir les marges du manuscrit et les intervalles des lignes d’invectives redoublées : « Tu en as menti. — Tu rêves. — Tu extravagues. — Tu m’imposes ceci impudemment. — Méchant brouillon ! O l’impudent ! O Simon le magicien ensorcelé ! Tu en as mentit tu en as menti ! » A la fin de cette pièce étrange, au-dessous des noms des treize ministres qui avaient signé avec Calvin, on lit ces lignes fières et courageuses : « Michel Servetus signe seul, mais il a dans le Christ un protecteur assuré[1]. »

Il est évident qu’en renonçant à répondre, en ne repoussant une réfutation précise, régulière, que par des injures et des démentis, Servet courait à sa perte. Comptait-il obtenir, au prix de ces violences, la protection du parti libertin ? Était-il informé de la situation critique de Calvin ? Recevait-il d’Amied Perrin et de Berthelier des avertissemens et des conseils par l’intermédiaire du geôlier ou soudan de la prison, Claude de Genève, qui, à ce qu’il paraît, était de leur parti ? Ce sont là des conjectures que d’habiles rapprochemens peuvent rendre assez spécieuses[2] ; mais si un parti puissant encourageait Servet, si le geôlier s’intéressait à lui, pourquoi faisait-on murer les fenêtres de sa prison ? pourquoi le laissait-on dans un si cruel dénûmnent, sans linge, sans secours et presque sans vêtemens ? Était-ce le moyen de soutenir son courage ? Ce qui prouve du moins qu’il y avait dans le conseil un parti

  1. A la suite de ces mots, j’ai trouvé dans le manuscrit de Genève une lettre de Servet à Calvin que je crois inédite, et où Servet maintient avec force son principe panthéiste : « Dieu, dit-il, ne serait plus Dieu s’il n’était pas en contact avec toutes choses. Quand l’esprit saint agit en nous, c’est la divinité qui nous touche. »
  2. M. Rilliet de Candolle se fait une arme de ces paroles de Calvin : « Il ne daigna entrer en propos, par quoy il y a une conjecture probable qu’il s’étoit forgé quelque vaine confiance de je ne says où. » (Déclar., p. 1328.) - Il me semble que les mots vaine confiance prouvent qu’il n’y avait aucun concert entre Servet et le parti des libertins. On soutenait l’accusé contre Calvin, mais on ne se commettait pas avec lui.