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la flotte d’Aragon rentra dans ses ports et désarma. Quelques vaisseaux seulement tinrent la mer et vinrent insulter les côtes d’Andalousie.


XIII.

CONTINUATION DE LA GUERRE CONTRE L’ARAGON. – MEURTRES DE PLUSIEURS RICHES-HOMMES. — 1359-1361.


I.

On s’explique difficilement comment l’armée castillanne, réunie sur les frontières d’Aragon, ne fit aucun mouvement, aucune démonstration pour soutenir les opérations de la flotte. Elle ne se mit en campagne qu’au commencement de l’automne, et ce fut pour repousser une invasion. Le comte de Trastamare et don Tello, avec environ 800 hommes d’armes, étant entrés en Castille du côté d’Agreda, se trouvèrent en présence de don Fernand de Castro et de Juan de Hinestrosa, à la tête d’un corps de troupes deux fois plus considérable que le leur. L’action s’engagea dans la vallée d’Araviana, au pied des montagnes de Toranzo et de Tablado. Malgré l’avantage du nombre, les lieutenans de don Pèdre furent défaits au premier choc. Ce fut moins un combat qu’une déroute, et des deux côtés il y eut peu de morts ; mais le roi y perdit quelques-uns de ses plus fidèles serviteurs, entre autres Hinestrosa, dont le dévouement ne s’était jamais démenti et dont les conseils lui avaient été souvent utiles[1].

L’orgueil castillan ne pouvant admettre que les Aragonais, inférieurs en nombre, eussent loyalement remporté la victoire, le soupçon de trahison atteignit plusieurs des chefs, et il est vraisemblable que ce ne fut pas sans fondement. La plupart des chevaliers et des gentilshommes qui accompagnaient Hinestrosa avaient mal fait leur devoir et l’avaient abandonné honteusement au plus fort de la mêlée. En outre, au moment de marcher à l’ennemi, Hinestrosa avait envoyé à Diego Perez Sarmiento et à don Alonso de Benavides l’ordre de le joindre avec tous leurs hommes d’armes. Bien que leurs cantonnemens fussent proches d’Araviana, ils obéirent avec tant de lenteur que l’affaire était déjà terminée lorsqu’ils parurent sur le champ de bataille. Arrivant avec des troupes fraîches, au lieu de prendre une revanche éclatante sur l’ennemi fatigué, ils ne songèrent qu’à se retrancher sur une hauteur sans chercher même à rallier les fuyards. Plusieurs les accusaient de s’être laissé séduire, n’y ayant pas d’apparence que le Comte, si prudent d’ordinaire, se fût aventuré au milieu de plusieurs corps considérables, s’il n’eût été

  1. Ayala, p. 290.