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de tous côtés ; le duc de Serra-Capriola, qui arrivait de Paris, lui donnait les conseils de la prudence. Le roi dut d’abord éloigner son confesseur, monsignor Cocle, qu’il relégua dans un couvent ; il fit ensuite le sacrifice de son ministre de la police, M. del Caretto, l’homme le plus impopulaire du royaume, qu’il fit embarquer subitement sur un bateau à vapeur. Autant le roi avait mis d’obstination dans la résistance, autant il mit de précipitation dans la concession. Le voyage de ce malheureux ministre sur les côtes d’Italie ressemble à celui d’un excommunié du moyen-âge. Le bâtiment qui le portait, se trouvant sans charbon, va en demander au port de Livourne ; il en est repoussé sans pitié, et rejeté sans feu et sans provisions en pleine mer. Il poursuit sa course jusqu’à Gênes ; mais là aussi l’exilé, voulant descendre à terre, est reçu par les malédictions du peuple, forcé de se rembarquer, et il ne trouve enfin l’hospitalité que sur la terre de France. Ces sacrifices peu généreux n’étaient point faits pour donner satisfaction au peuple de Naples. Tout était prêt pour une insurrection. Cependant les chefs du parti modéré se concertèrent avec les chefs du parti du mouvement, et il fut convenu qu’on attendrait l’effet des pétitions qui devaient être présentées au roi ; mais l’impulsion était donnée, trente mille hommes se rendirent sous les fenêtres du palais en criant : Vive le roi ! et vive la constitution ! Le roi se décida enfin ; il forma un nouveau ministère dont il donna la présidence au duc de Serra-Capriola, et rendit un décret qui annonçait une constitution sur les bases de la charte française, avec les deux chambres, l’inviolabilité de la couronne, la responsabilité ministérielle et la liberté de la presse. Il y eut à Naples deux jours de fête, pendant lesquels le roi se promena dans les rues au milieu d’ovations frénétiques.

Pendant qu’on chantait au théâtre de San-Carlo de Naples les chœurs d’Ernani, la bataille continuait à Palerme, mais elle se terminait par l’entière victoire de l’insurrection. Les dernières positions occupées par les troupes royales étaient abandonnées, et le roi voyait revenir sur ses bateaux les débris de ces régimens qu’il avait lui-même embarqués quelques jours auparavant. On dit que le roi Ferdinand a été profondément attristé de ce spectacle ; cela se comprend, car ses soldats avaient été vaincus, mais ils étaient restés fidèles. D’après les dernières nouvelles, le roi avait envoyé plusieurs bâtimens en Sicile pour ramasser toutes les garnisons, avec le dessein d’abandonner l’île et d’attendre les événemens.

Ce qui serait à désirer maintenant, c’est que la Sicile acceptât la constitution commune des deux royaumes ; ce qui est à craindre, c’est qu’elle ne veuille une constitution particulière, c’est qu’elle ne veuille le rappel. Le roi pourrait tout au plus consentir à ce que le parlement fût rassemblé alternativement à Naples et à Palerme, mais il n’est guère possible qu’il accorde à la Sicile un parlement séparé, et si la lutte s’engageait sur cette question, il y serait probablement soutenu par le royaume de Naples proprement dit. La constitution nouvelle est d’ailleurs plus libérale que celle dont jouissait autrefois la Sicile, et où dominait presque exclusivement l’élément aristocratique.

On se préoccupe beaucoup de ce que pourra ou de ce que voudra faire l’Autriche dans ces circonstances critiques. Le gouvernement autrichien a conclu en 1815, le 12 juin, un traité dans lequel était un article secret stipulant que « le roi des Deux-Siciles n’introduirait dans son royaume aucuns changemens