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— à tort ou à raison, ce n’est pas ici le lieu de l’examiner, — est devenu aujourd’hui, dans la plus grande partie de l’Europe, le fond de la croyance des réformés.

Calvin a évangélisé par la foi, par la grace, si l’on peut s’exprimer ainsi, mais il a organisé par la raison ; il a fait de la raison humaine la base de toute une politique qui peut se résumer en deux mots : au dedans, liberté civile, c’est-à-dire justice ; au dehors, équilibre européen, c’est-à-dire paix. Calvin n’est donc pas seulement un chef religieux, un simple sectaire : c’est un des plus puissans organisateurs dont le monde ait gardé l’empreinte. Sans parler ici de cette petite ville de Genève, une bourgade des montagnes, devenue, sous son souffle vraiment créateur, une des métropoles de l’esprit humain, personne ne peut méconnaître l’influence souveraine du calvinisme dans quelques états modernes parvenus si rapidement à de hautes destinées, les cantons suisses, par exemple, la Hollande, l’Angleterre, la Prusse même et les États-Unis d’Amérique, qui sont l’application la plus directe et la plus vraie de l’idée calviniste. Ce qu’on ne connaît pas assez peut-être, c’est l’action de Calvin sur la société française, sur toute une génération d’hommes à la fois passionnés et austères, qui semblent formés à la même image, et portent tous dans leur esprit et dans leurs mœurs le sceau d’une même pensée et comme l’empreinte d’une même main. La démocratie calviniste, si peu connue et si digne de l’être, cette classe intelligente, éclairée, courageuse, qui fut si promptement initiée aux mœurs constitutionnelles dans ses assemblées de La Rochelle, de Gergeau, de Grenoble, où elle traitait d’égal à égal avec les grands seigneurs, les princes et le roi, procède directement et exclusivement de la pensée calviniste. C’est Calvin qui a inspiré sa foi et mûri sa raison, c’est son esprit qui dicte les décisions de sa politique à la fois calme et hardie, et c’est sa belle langue qui retentit encore en échos puissans à la tribune des synodes.

Sans doute, l’esprit de justice et de liberté existait en France bien avant le calvinisme, seulement il existait dans la commune et non dans l’état. Cet esprit procède du christianisme pour les peuples, et pour les hommes de la conscience humaine ; au moyen-âge même, il s’était conservé dans le midi de la France par les traditions municipales romaines, et dans le nord par l’affranchissement des communes. Le calvinisme lui donna la solidarité, le lien qui lui manquait ; il réunit en faisceau les forces isolées, imprima une même direction aux mouvemens jusque-là irréguliers des esprits et des populations, enfin il organisa la démocratie en France, si bien que, deux siècles après, le tiers-état, appelé par la force des événemens à gouverner le pays, put dire à son tour : L’état c’est moi. Le calvinisme lui avait donné la première éducation gouvernementale, il lui avait appris à s’estimer lui-même, ce qui est la première condition de la force et la plus sûre garantie du succès. C’est cette action mal expliquée du calvinisme qu’il faut essayer de définir et de faire comprendre, non point par des commentaires, mais par les événemens mêmes.

L’histoire des assemblées calvinistes, qui sont une des origines de notre droit politique et de notre liberté civile, cette histoire si féconde en enseignemens, n’a jamais été entreprise en France ; mais la politique de ces assemblées, leur foi comme leur sagesse, semblent se résumer en Duplessis-Mornai, et l’on retrouve dans ses œuvres comme dans sa vie l’expression la plus exacte et la plus élevée