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date plus récente, dans lesquels les habiles versificateurs de l’école alexandrine avaient eux-mêmes ingénieusement, quelquefois même poétiquement, traduit les systèmes des savans. Les compositions scientifiquement descriptives des Ératosthène, des Nicandre, des Callimaque, des Apollonius, des Aratus, ont excité l’émulation de plus d’un poète latin, et, par exemple, inspiré assez heureusement le talent encore rude de Cicéron, l’art plus poli, mais plus froid, de Varron d’Atax.

Cicéron, qui fit de la poésie l’exercice de son jeune âge et la consolation des chagrins politiques de sa vieillesse, a donné, on le sait, des Phénomènes et des Pronostics d’Aratus une traduction qu’on peut rapporter à ces deux époques de sa vie littéraire, et qui n’est pas tout-à-fait indigne de l’estime qu’il avait pour elle. Il n’y paraît pas toujours trop inférieur à son élégant modèle’ ni trop différent de lui-même. Il était réellement, dans un temps qui allait produire Lucrèce, le premier poète aussi.bien que le premier orateur de Rome : c’est Plutarque[1] qui l’a dit hardiment, sans tenir compte des plaisanteries impertinentes de Juvénal, de Martial, ingrats héritiers d’un art que Cicéron, après tout ; avait des premiers contribué à former.

Son frère Quintus, son second en toutes choses, poète amateur aussi, qui faisait quatre tragédies en quinze jours, comme Marcus cinq cents vers en une nuit, s’était, de son côté, exercé dans le genre didactique. On peut regretter pour sa mémoire poétique que son Zodiaque, du reste fort dégradé par le temps, ne se soit pas perdu avec son Érigone sur les routes de la Gaule, si sûres, disait plaisamment Cicéron, sous le gouvernement de César, excepté toutefois pour les tragédies[2].

Les vers, meilleurs assurément, du savant Varron sur la sphère de Ptolémée, que nos anthologies ont retirés des débris de ses Satires Ménippées, appartiennent au même genre d’inspiration. Il y faut encore rapporter les principaux ouvrages de l’autre Varron, Varron d’Atax, l’un des poètes qui marquent la transition des lettres latines à ce qu’on appelle le siècle d’Auguste. C’était moins un poète qu’un versificateur ; il inventait peu, il traduisait beaucoup ; interpres operis alieni, a dit de lui Quintilien. Au reste, si, comme l’atteste Horace, il avait peu réussi dans la satire, on estimait son Jason, imité des Argonautiques d’Apollonius de Rhodes, et l’ouvrage, où il voyageait en personne et sur la terre et dans le ciel, que les anciens désignent par les titres divers de Cosmographia, Chorographia, Orthographia, Varronis Iter, ou encore par des noms empruntés à quelqu’une de ses parties, Varronis Europa, Asia, etc. On a pensé qu’il l’avait composé d’après le grand traité d’Ératosthène, et aussi d’après le poème intitulé Hermès, où ce même savant introduisait Mercure assistant au spectacle du monde et le décrivant.

  1. Vie de Cicéron.
  2. Epist. ad Quint., III, 1, 6, 9.