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Je payai ma dépense, et, déguisant ma retraite précipitée sous un air de fierté, je quittai la salle à pas comptés, tandis que le bravo suivait mes mouvemens d’un regard oblique. Je regagnai ma chambre, plus soucieux des prévenances de don Tomas que je ne l’eusse été de sa colère. Je trouvai Cecilio, qui m’attendait en ronflant sur les selles de nos chevaux.

— Écoute, lui dis-je en l’éveillant, tu vas seller les chevaux tout de suite et sans bruit ; une fois sellés, tu les conduiras tous deux par la bride derrière la venta, où tu m’attendras ; d’ici à un quart d’heure, j’irai te rejoindre.

Un quart d’heure s’était à peine écoulé, en effet, quand je quittai furtivement l’hôtellerie. Cette fuite silencieuse et triste ne ressemblait guère à celle dont j’avais si gaiement, quelques jours auparavant, partagé les périls avec don Jaime. Je n’ai pas besoin de dire que nous franchîmes plus rapidement encore qu’au départ la distance qui sépare Arroyo-Zarco de Mexico ; seulement les rôles étaient changés. L’homme devant qui je fuyais était celui-là même que j’avais poursuivi si long-temps sans relâche. C’était un dénoûment assez bouffon à une aventure tristement commencée, et, grace au ciel, ce dénoûment ne fut suivi d’aucun tragique épilogue.


GABRIEL FERRY.