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Voto al demonio ! s’écria-t-il. Depuis deux heures que je l’avais oublié, le pauvre diable est capable d’être mort sans m’avoir attendu !

— De qui parlez-vous ?

— Eh ! parbleu ! du pauvre Planillas.

Presque en même temps, Fuentes avait mis son cheval au galop, et, quoique l’occasion fût unique pour lui fausser compagnie, la curiosité me fit galoper à sa poursuite. Quand nous fûmes arrivés non loin de l’endroit où nous avions rencontré Planillas assis sur le cadavre de sa mule tant regrettée, Desiderio s’arrêta et fit un geste de surprise. Je le rejoignis bientôt.

— Mais je ne vois personne, lui dis-je.

— Ni moi non plus, et c’est ce qui m’étonne. Au fait, il se sera lassé de m’attendre ; c’est mal à lui, et une autre fois je ne le croirai plus. Cependant il est plus probable que quelque passant charitable l’aura ramassé, car il avait d’excellentes raisons pour m’attendre ici jusqu’au jugement dernier.

— Mais enfin, que lui est-il arrivé ?

— Voyez, répondit Fuentes en me montrant à quelques pas de nous la terre souillée de sang, et plus loin la mule morte dont les vautours s’apprêtaient à faire curée. Le mineur ajouta qu’après m’avoir quitté, il était revenu sur ses pas pour éclaircir certains soupçons que lui avait inspirés la moralité bien connue de Planillas. Ne trouvant plus à l’endroit où il l’avait laissé ni lui ni la mule qu’il regrettait si tendrement, il avait suivi leurs traces, et, arrivé à l’endroit où nous nous trouvions, il avait rencontré le pauvre Florencio baigné dans son sang. Il avait appris alors toute la vérité de la bouche du mourant. La mule que Florencio et son compagnon entraînaient dans un endroit écarté était bien morte, il est vrai, dans l’hacienda de platas ; mais Florencio ne l’avait jamais vue jusqu’à ce jour, et le motif de sa tendre sollicitude était que ses flancs recélaient le produit d’un vol considérable de blocs d’argent que Planillas y avait cachés pour échapper à la visite ordinaire du commis. Le stratagème avait réussi ; toutefois, au moment de partager entre eux, après avoir traîné plus loin encore le cadavre de l’animal, les deux complices s’étaient pris de querelle, et le résultat de cette rixe avait été que Planillas s’était vu dépouillé du produit de son vol après avoir reçu deux coups de couteau qui l’avaient mis à mal.

— Vous devinez le reste, continua Fuentes. Je n’ai pu m’empêcher d’accorder d’abord à son triste état tous les regrets d’un cœur ému, et je m’en allai en lui promettant de lui envoyer du secours ; puis, je ne sais comment cela s’est fait, je n’ai plus pensé du tout à ce pauvre Planillas.

Fuentes avait raison de ne pas vanter son second mouvement ; quant