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est porté à dos d’hommes au bas du puits d’extraction, et les eaux élevées à l’aide de chapelets hydrauliques.

Outre le grand puits (tiro general), la mine de Rayas en a deux autres d’une importance moindre, quoique l’un de ces puits atteigne trois cents vares ou deux cent cinquante quatre mètres. Le tiro general, aussi important par sa largeur (11 m 02) qu’effrayant par sa profondeur (car il ne compte pas moins de douze cents pieds), communique avec trois galeries principales superposées l’une à l’autre, et ces puits et ces galeries composent un ensemble de travaux gigantesques qu’on ne retrouve dans nulle autre exploitation. Cependant l’aspect extérieur de cette mine ne révèle pas L’incessante activité qui règne au dedans. Des hangars en bois ou couverts de tuiles qui protègent les malacates ou abritent les travailleurs, quelques bâtimens de peu d’apparence qui servent de logemens aux administrateurs ou aux employés du dehors, quelques maisons blanches groupées inégalement sur le sommet des mamelons environnans, ne font guère pressentir au visiteur les merveilles qu’il va voir.

Il était environ midi quand j’arrivai avec mon guide à l’entrée de la première galerie par laquelle nous devions nous engager dans la mine. Nous mîmes pied à terre ; nos chevaux furent confiés à un des compagnons de Desiderio, et nous franchîmes la porte d’entrée. Le mineur portait à la main une torche de résine. Je m’arrêtai un instant avec une sorte de recueillement sur le seuil de cet immense laboratoire de la richesse humaine, d’où tant de millions s’étaient déjà répandus dans la circulation européenne. Mon guide, avec l’or de son manteau que la lueur de la torche semblait faire ruisseler au milieu des plis du velours, figurait assez bien le génie fastueux de ce royaume souterrain. Nous descendîmes long-temps par une pente formée de gradins dont chacun avait la dimension d’une terrasse, en faisant, au milieu de profondes ténèbres que la torche ne dissipait que faiblement, une multitude de tours et de détours, en changeant à chaque instant de direction et de température, en remontant parfois pour redescendre encore. Au bout d’un quart d’heure environ, j’aperçus enfin, dans le lointain, quelques lumières errantes, puis des ombres gigantesques ne tardèrent pas à se refléter sur les parois humides. Je marchai encore, et je me trouvai bientôt dans un carrefour que la piété des mineurs avait converti en chapelle. Au centre s’élevait un humble et modeste autel orné de cierges qui brûlaient devant l’image d’un saint. Un homme était agenouillé sur le gradin et semblait prier avec ferveur. C’était la première créature humaine que je rencontrais depuis mon entrée dans la mine. Mon guide me toucha le bras.

— Regardez cet homme, me dit-il à voix basse.

Le mineur agenouillé était entièrement nu ; sans la lumière du flambeau