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plaira, car si jamais il y a eu chance et nécessité de réconciliation entre tous les partis qui déchirent la Pologne, c’est après ce cruel désastre qui les a tous enveloppés.

La cause polonaise ne peut plus maintenant rester en proie à des factions ennemies ; elle ne peut plus se perdre dans des querelles intestines ; elle repose désormais sur un solide terrain d’où partent sans doute des opinions divergentes, mais qui du moins, pour toutes les divergences, est et demeure une base commune. Il faut des paysans propriétaires ; là-dessus, tout le monde s’accorde. Comment, à quel prix, par quels procédés, sous quelles garanties la propriété descendra-t-elle dans ces masses inertes pour les vivifier et les mobiliser, voilà le problème. Les démocrates ont à la longue inculqué le principe de cette investiture ; ils sauront accepter les conditions pratiques dans lesquelles on pourra le plus sûrement la réaliser. Ils ont sous les yeux l’exemple de Posen, où les paysans, devenus propriétaires sauf redevance en 1821, sont à même aujourd’hui de capitaliser la rente qu’ils paient et de se libérer complètement vis-à-vis de leurs anciens seigneurs. Aussi Posera fera-t-il beaucoup pour l’avenir de la Pologne ; les médiateurs naturels de tous les partis polonais sont à Posen. En dehors des agitations secrètes, en dehors des tentatives violentes, il y a là un groupe considérable d’hommes intelligens et modérés qui ménageront avec patience, mais avec foi, cette réconciliation si désirée des classes d’en bas et des classes d’en haut, cette union souveraine d’où renaîtrait un peuple. Ils n’ont pas été les complices, ils seront les inévitables auxiliaires, les continuateurs pacifiques des démocrates.


ALEXANDRE THOMAS.