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mouvement d’indépendance territoriale et du mouvement de réforme libérale. Ce dernier mouvement, la France peut l’appuyer, et elle l’appuie dans la mesure de sa propre politique. L’autre, elle ne le peut pas. Elle ne le peut pas pour deux raisons : la première, c’est qu’elle veut conserver la paix, et pour elle-même et pour les autres ; la seconde raison, c’est que, si elle faisait la guerre, elle se trouverait seule. M. Guizot a posé cette question d’une manière très nette, d’une manière trop dure peut-être, et cependant, quelque irritante qu’elle puisse être, il faut bien la regarder en face. L’indépendance territoriale de l’Italie, c’est la guerre ; l’émancipation territoriale des pays soumis à l’Autriche, et dont la souveraineté lui est reconnue par les traités, c’est la guerre ; il ne faut se faire là-dessus aucune illusion. Or, il ne s’agit pas seulement de savoir si nous ferons la guerre à l’Autriche, mais si nous voulons la faire à toute l’Europe. Est-ce que l’opposition, par hasard, s’imagine que nous aurions l’Angleterre avec nous ? Quel rêve, et quelle puérilité ! Certes, M. Guizot a bien raison de dire qu’il faut un étrange degré d’imprévoyance et d’ignorance des affaires européennes pour avoir un instant de doute à cet égard. La vérité est que, dès les premiers momens où l’Italie s’est agitée, le gouvernement autrichien s’est mis en règle avec tous les gouvernemens européens : il a désavoué tout dessein de s’opposer aux réformes intérieures que les souverains d’Italie voudraient accomplir chez eux ; mais il a protesté à l’avance contre toute tentative de remaniement territorial qui porterait atteinte à sa propre souveraineté, et il a demandé le concours de tous les cabinets de l’Europe pour le maintien de l’état de choses réglé par les traités. Quelle a été la réponse ? Les gouvernemens européens ont répondu qu’ils ne voulaient rien changer, qu’ils voulaient maintenir les traités. Nous admirons vraiment cette passion subite dont on se sent aujourd’hui saisi pour l’Angleterre ! Le gouvernement anglais se donne à bon marché un rôle populaire : en Italie comme en Suisse, il fait de la courtisanerie révolutionnaire, la pire de toutes ; mais le jour où il aurait bien brouillé les cartes, on verrait le jeu qu’il jouerait ! Non, l’Angleterre ne fera rien ; voilà ce qu’il faut bien se mettre dans la tête. Elle pourra, qu’on nous passe le mot, chauffer les passions radicales sur tous les points de l’Europe où elles fermentent ; mais le jour où nous-mêmes nous serions engagés dans cette voie, où nous y serions engagés avec toute l’Europe contre nous, l’Angleterre nous tournerait le dos et s’en irait rejoindre ses vieux alliés.

Est-ce à dire que si la cause française, la cause de la liberté du monde, était en question, nous dussions reculer ? Non sans doute ; mais ce que nous disons, c’est que l’intérêt de la France, l’intérêt de la liberté, n’est pas là. La politique de la France, cette politique que M. Guizot a si éloquemment et si audacieusement justifiée, c’est celle des réformes pacifiques, celle du progrès modéré et régulier. C’est celle-là que la France a choisie pour elle, et qu’elle cherche à établir chez les autres. Or, dira-t-on qu’elle serait mieux servie par une guerre générale, qui replongerait l’Europe dans le chaos, qu’elle ne l’est par les sages et prudens encouragemens que le gouvernement français lui donne depuis un an ? Niera-t-on qu’il se soit accompli depuis une année en Italie d’immenses changemens, et croit-on qu’ils auraient pu s’accomplir au milieu d’un bouleversement général ?

Il plait à M. de Lamartine de dire qu’il n’y a pas de radicaux en Italie. S’il n’y en a pas au dedans, il y en a au dehors, et ceux-ci avouent hautement que l’objet