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et habile, je ne le conteste pas ; mais nous en avons fini. Voici quel a été successivement l’effectif de nos forces, en Algérie, depuis la conquête : en 1830, 30,223 hommes ; — en 1831, 17,939 ; — en 1832, 22,431 ; — en 1833, 27,762 ; — en 1834, 31,863, et de même jusqu’en 1839, où ! l’on passe à 39,648. — En 1840, on monte brusquement à 59,248, et depuis lors on a été toujours en augmentant jusqu’à 100,000. La Situation provisoire accuse, pour 1846, une dépense de 112 millions, c’est-à-dire le triple du budget tout entier du royaume de Suède. Pourquoi, je ne dis pas en 1848, mais du moins en 1849, exercice dont le budget va se discuter, l’armée d’Afrique ne reviendrait-elle pas aux proportions de 1839 ? Ce serait déjà, pour les contribuables, une économie de 35 ou 40 millions, en supposant que l’effectif de l’intérieur ne dût pas être réduit d’un seul homme.

Mais c’est sur la marine que doit porter la plus grande réduction. La fantaisie navale à laquelle nous nous livrons depuis quelques années nous coûte trop cher et a trop d’inconvéniens pour que nous n’y mettions pas fin. Nous nous ruinons dans une entreprise impossible, nous cherchons la puissance navale par un chemin où nous ne la rencontrerons pas. Nous excitons au dehors des méfiances funestes, et nous rompons ainsi les alliances les plus précieuses et les plus naturelles désormais. On ne prétendra pas du moins que cette force navale soit nécessaire au maintien de l’ordre. Dira-t-on que c’est pour protéger notre navigation commerciale ? L’effort serait bien grand, pour une marine marchande tombée au degré où est la nôtre ; mais, même pour faire respecter notre pavillon sur toutes les mers et pour garantir les intérêts de notre commerce, le budget de la marine est deux ou trois fois ce qu’il aurait strictement besoin d’être. En voici la preuve : s’il est un pavillon qui soit respecté sur tous les points de l’océan, s’il est un commerce dont les droits soient maintenus en tous lieux, c’est celui des États-Unis. La marine marchande de l’Amérique du Nord est partout. Ce sont d’innombrables navires qui explorent tous les parages dans l’un et l’autre hémisphère, et le président Polk a pu, dans son dernier message, annoncer que, dans peu d’années, ce serait par le nombre des bâtimens la première de l’univers. J’ai sous les yeux en ce moment le relevé des dépenses des forces navales américaines, année par année, depuis un demi-siècle, et je reste confondu en les comparant aux nôtres. Depuis dix ans, c’est de 6 millions de dollars à 6 millions et demi (32 à 35 millions de francs)[1]. La guerre actuelle avec le Mexique

  1. Seule, l’année 1842 fait exception à cette règle. On était alors en mésintelligence avec l’Angleterre, qui faisait elle-même de grands préparatifs, et on alla à 8,397,000 doll., un peu moins de 45 millions de francs.