Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 21.djvu/532

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

31 décembre 1837 au 31 décembre 1846, la diminution a été de plus du cinquième[1].

En pareilles conjonctures, qu’est-ce qui a dû se passer dans les têtes britanniques ? L’Anglais ne s’impressionne pas aussi vite que nous ; il a l’épiderme plus dur. Moins prime-sautier, il observe, il raisonne, afin de ne se former une opinion qu’à bon escient. On a commencé par se dire en Angleterre : Les Français n’arment pas contre nous ; ce serait absurde, donc ce n’est pas possible ; conclusion qui n’est pas toujours vraie. Tant que la bonne intelligence des deux gouvernemens restait avérée, on passait outre. Nos préparatifs militaires étaient réputés une fantaisie, comme en ont les gens d’imagination ; mais aujourd’hui, combien les rapports des deux gouvernemens sont changés ! Lord Palmerston déteste la France, et, du moment qu’il est rentré au pouvoir, la mésintelligence a dû être considérée comme inévitable, comme un fait accompli. Les mariages espagnols l’ont rendue flagrante ; elle éclate sur tous les points de la terre où l’on se rencontre. Elle est chaque jour plus manifeste, parce que lord Palmerston paraît être laissé, par ses collègues, seul arbitre à peu près des relations extérieures de la Grande-Bretagne. Dès-lors nos préparatifs ont pris un sens tangible. Voici donc qu’à la fin l’Angleterre s’en occupe sérieusement.

La première alerte a été donnée par l’homme qui est le plus haut placé dans le respect de ses compatriotes, par lord Wellington. Ce chef qui, après avoir été un des plus formidables adversaires que la France ait jamais rencontrés sur le champ de bataille, était devenu, depuis 1830, un des soutiens du bon accord avec nous, a été frappé des apparences que nous présentions, et il a signalé l’attitude de la France au patriotisme de ses concitoyens par une lettre dont l’analyse a été rendue publique par sir John Burgoyne, à qui elle était adressée, et qui elle-même, quelques jours plus tard, a paru textuellement dans les journaux anglais. En la lisant, notre vanité nationale a lieu d’être flattée du

  1. Le relevé qui suit montre ce qu’était l’effectif de la marine marchande de la France en navires de 300 tonnes et au-dessus, au 31 décembre 1837 et au 31 décembre 1840. (Tableau du Commerce de 1837, page 555, et de 1846, page 485).
    NAVIRES 1837 1846
    De 700 à 800 tonneaux 2 néant
    - 600 à 700 2 2
    500 à 600 15 7
    400 à 500 68 32
    300 à 400 213 196
    Nombre total 300 237


    Ainsi, en neuf ans, la diminution est de 63 sur 300, ou de 21 sur 100.