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déclaré qu’avec cette somme il se chargeait de créer, dans un espace de dix années, une flotte de 40 vaisseaux de ligne, 50 frégates, avec un nombre proportionné de bâtimens inférieurs, de maintenir la réserve des arsenaux au niveau des exigences d’une semblable organisation, et de porter au plus haut degré de perfection nos divers établissemens maritimes. Plusieurs hommes d’état qui ont eu le portefeuille de la marine ont présenté des programmes analogues, et personne n’a ouvertement contesté cette évaluation. Sous la restauration et sous le gouvernement, de juillet jusqu’en 1839, le budget de la marine s’éloigna peu du chiffre de M. Portal ; mais, à partir de 1838, l’écart grandit et devint bientôt excessif. En 1838, la dépense effective avait été de 72 millions et demi ; en 1839, elle fut de 80 et demi ; en 1840, on saute à 99. Puis c’est 125, 133, 122, 126, 120. 1846 monte à 134 millions.

L’Angleterre, à partir de 1838, grossit pareillement son budget de la marine. En 1838, le budget de la marine anglaise avait été de.114 millions de francs ; en 1839, il monte à 138 : en 1841, à 164, point autour duquel il a oscillé jusqu’en 1846 ; en 1846, il s’est élevé encore. Mais l’Angleterre a eu des difficultés très sérieuses dont nous avons été exempts. Les événemens de 1840 ont passé sur elle comme sur nous. Cependant le budget de 1840 n’excède que de 107,000 livres sterling, moins de 3 millions de francs, celui de 1839. L’Angleterre a eu des démêlés sérieux avec les États-Unis à propos de la frontière du Maine d’abord, ensuite à propos du territoire de l’Orégon, au sujet duquel le cabinet de Washington avait parlé un langage impérieux qu’une grande puissance ne peut entendre sans porter la main sur la garde de son épée. À ces discussions qui nécessitaient des armemens, car on a pu à certains momens considérer la guerre comme inévitable, s’est jointe la campagne de la Chine. Nous, au contraire, à l’exception du bombardement de Tanger et de Mogador, qui a été une entreprise de peu de durée, nous n’avons rien eu d’extraordinaire, depuis 1839, que l’Angleterre n’ait eu aussi avec tous ses embarras particuliers. C’est le blocus de Buenos-Ayres, commencé antérieurement et fait de concert avec elle ; c’est la crise de 1840 ; c’est l’établissement d’une marine à vapeur dont l’Angleterre a bien plus besoin que nous, car elle a et doit avoir beaucoup plus de stations navales, infiniment plus d’ordres à transmettre dans ses innombrables colonies. Afin d’avoir une idée exacte des sacrifices que les deux puissances se sont imposés pour la marine par-delà leurs déboursés accoutumés, évaluons l’accroissement total pendant l’intervalle qui s’est écoulé depuis 1838. En s’arrêtant à l’exercice 1845 inclusivement, on trouve que le surcroît total a été le même pour les deux états, à 500,000 fr. près, et cela pour deux marines bien inégales, car l’une a pour base 100 vaisseaux de ligne, l’autre 35 ou 40 : ainsi l’effort proportionnel est beaucoup plus, grand de la part de la France. Si l’on va jusqu’à l’ouverture de 1847, on