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magnanimité que d’énergie. Nous fûmes vraiment libéraux ; nous traitâmes avec respect la dynastie déchue, nous épargnâmes ses partisans les plus compromis. Loin de proférer des menaces contre nos voisins, nous leur présentâmes une main amie. Ces principes sont encore à nous. Nous avons de l’avance sur les autres, et nous pouvons, si nous le voulons, en offrir l’application la plus étendue, la plus féconde pour le bonheur des populations, pour l’élévation morale, intellectuelle et matérielle des hommes. Par là nous deviendrions le point de mire de toute la civilisation, car jamais le vent ne fut plus à la liberté dans toute l’Europe. C’est la plus sûre manière de donner des lois au monde que de lui servir de modèle.

Nous avons tellement fait la guerre à la suite de la révolution, que nous sommes excusables de confondre la révolution et la guerre comme le but et le moyen, et notre passion native pour les combats s’est ainsi accrue de notre dévouement aux principes de la révolution. Il y a là cependant une déplorable confusion d’idées. La révolution française ne fit la guerre que parce qu’on l’y contraignit par d’insolens manifestes, et parce qu’on vint la chercher dans les plaines de la Champagne d’abord ; mais, en guerroyant, la révolution française allait contre ses penchans les plus nobles. M. de Lamartine l’a dit avec une haute raison, la première des idées révolutionnaires, c’est la paix.

Jetons maintenant un coup d’œil sur le cabinet anglais. Sa situation était beaucoup plus commode. Il ne rencontrait pas dans l’opposition et dans le public en général les mêmes difficultés, et le ministre dirigeant, de concert avec le secrétaire d’état des affaires étrangères, était beaucoup plus le maître de son parti.

Dans sa position insulaire, le public de la Grande-Bretagne s’occupe moins que le public français de la politique extérieure. Il s’en remet au gouvernement, et accepte volontiers le système de celui-ci, à moins d’énormités. L’opposition anglaise, étant un parti de gouvernement et songeant que demain elle pourra être au pouvoir, est sobre de critiques sur ce point. L’indépendance est donc bien plus facile aux ministres anglais pour ce qui concerne les relations avec les autres états. Ensuite il y a une bonne raison depuis trente ans pour que la nation anglaise en général aime la paix, et n’éprouve aucune sympathie pour tout ce qui tendrait à changer l’ordre de choses qui existe en Europe ou dans le monde : les traités par lesquels se termina la grande lutte de la république et de l’empire, ces mêmes traités de 1815, si naturellement impopulaires chez nous, lui ont fait à elle une situation admirable, lui ont reconnu des avantages immenses qu’elle accroît tous les jours par son activité et par son esprit des affaires, à la faveur de la paix. Il ne lui faut donc pas un grand effort pour applaudir à une politique pacifique.

Ce n’est pas qu’il n’y ait encore dans le gouvernement anglais des