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cinquante ans de révolutions, est lent à contracter les habitudes représentatives. Néanmoins, pourvu que tout le monde s’y prête, nous en arriverons là infailliblement, sans qu’il nous ait été besoin, je l’espère, d’un plus long délai que celui qu’y a mis l’Angleterre. Il y aura alors en présence deux partis animés tous deux de l’esprit de gouvernement. Alors seulement nous aurons le système représentatif dans sa vérité, et nous en recueillerons les bienfaits.

L’opposition étant telle que je viens de le dire, le traité du 15 juillet 1840 lui fournit un thème dont elle devait se saisir avidement. Elle avait donc un engin puissant pour répandre des émotions patriotiques dans le pays, pour capter la popularité et pour susciter des embarras infinis au ministère. En face de ce public, dans le sang gaulois duquel s’est conservé ce faible pour la guerre que déplorait Strabon, elle avait donc lieu de faire retentir des accens belliqueux. Il était évident que le gouvernement à partir du 29 octobre ferait de grands efforts afin de raffermir la paix et de reprendre place dans le concert européen. Pour un public très ombrageux sur le point d’honneur national, vivant sur les souvenirs de la république victorieuse et de l’empire chargé de lauriers, ces efforts devaient être aisés à transformer en concessions peu honorables. Ce fut avec toutes bonnes chances que l’opposition entra en campagne contre le cabinet du 29 octobre.

La première session, celle de 1841, fut consacrée aux fortifications de Paris et à des arrangemens financiers devenus nécessaires afin de solder tout ce que 1840 devait coûter aux contribuables. La convention du 13 juillet entre la France et les puissances signataires de la quadruple alliance nous fit rentrer dans le concert européen. Cette convention était prévue ; le budget eût pu être préparé en conséquence. Il n’en conserva pas moins le caractère belliqueux.

Le 20 décembre 1841, un traité nouveau fut signé, sur le droit de visite, qui étendait l’espace où ce droit s’exerçait. L’opposition s’en empara aussitôt. On fit contraster notre empressement à reculer les limites de la visite avec la fermeté que mettaient les États-Unis à repousser toute convention de ce genre, et avec la démonstration, très peu diplomatique au surplus, que faisait alors à Paris l’envoyé américain (M. Cass), en publiant un écrit fort ardent contre les propositions du gouvernement anglais. La comparaison n’était pas juste, parce que le droit de visite avait, pour les Américains, un sens qu’il ne pouvait avoir pour nous. Pendant les guerres de l’empire, la Grande-Bretagne s’était arrogé le droit de fouiller les navires américains afin d’y rechercher les matelots anglais. C’est de là qu’était née la guerre de 1812 entre les deux puissances, et la paix avait été signée en 1815 sans que l’Angleterre eût expressément renoncé à ses prétentions. Le droit de visite soulève donc chez les Américains des souvenirs très irritans. Entre la