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il menait un grand convoi, et il s’arrêtait continuellement pour attendre les renforts qui lui arrivaient de loin dans des lieux fixés à l’avance. Après avoir franchi sans obstacle, dans les premiers jours de mars, la barrière de montagnes qui sépare l’Andalousie de la Manche, il fit halte sur un des grands plateaux de cette province, là où s’élevait autrefois le magnifique château de Calatrava, chef-lieu de l’ordre militaire de ce nom. Il était alors à quelque vingt lieues de Tolède.

Son armée se composait des contingens fournis par les communes de Séville, Ecija, Carmona et Jerez, outre sa maison militaire et ses vassaux particuliers. Don Fernand de Castro, ayant traversé toute la Castille pour le joindre, lui amena quelques troupes de Galice et un détachement de la garnison de Zamora. D’autres petits corps levés en Estramadure et même en Castille se trouvèrent également réunis à Calatrava. Toutes ces forces s’élevaient ensemble à trois mille cavaliers, gendarmes ou génétaires chrétiens, et quinze cents chevau-légers de Grenade. Son infanterie était peu nombreuse, comme il semble, et ne comptait que les quatre bannières des villes d’Andalousie que je viens de nommer.

Pour aller de Calatrava vers Tolède, la route directe traverse d’âpres montagnes dont les passages peuvent être facilement défendus par une poignée d’hommes. Le roi, craignant de s’y engager, préféra faire un assez long détour pour gagner les vastes plaines de la Manche, où sa cavalerie devait trouver du fourrage et un terrain favorable à ses opérations. Peut-être encore don Pèdre voulut-il rallier en passant les contingens des royaumes de Jaën et de Murcie, qu’il savait en marche pour le joindre[1], ainsi que les garnisons de quelques villes sur la frontière de Valence qui lui demeuraient encore fidèles. Il s’agissait pour lui d’arriver devant Tolède avec une force supérieure à celle de l’armée assiégeante, et, dans sa position, aucun renfort n’était à négliger. Quel que fût son dessein, au lieu de se diriger en droite ligne vers le nord, il tourna du côté de l’est en quittant Calatrava, et vint camper auprès de Montiel, riche commanderie de Saint-Jacques, dont le gouverneur, nomme Garci Moran, était un de ses vieux serviteurs[2].

Sur la nouvelle de cette marche, don Henri avait rassemblé tous ses capitaines et les consulta sur le parti à prendre. Tous furent d’avis qu’il fallait prévenir don Pèdre et l’attaquer avant qu’il ne se présentât

  1. Il est vraisemblable que les troupes de don Pèdre, partant de l’Andalousie, ne passèrent pas toutes la Sierra-Morena sur le même point. Celles qu’il avait à Jaën ou à Andujar, par exemple, entrèrent sans doute dans la Manche par la vallée de la Jandula (la route du Despeña Perros n’était pas encore pratiquée). Pour ces divisions, Montiel était le point de ralliement le plus convenable.
  2. Ayala, p. 543.