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Charles V avait trop d’intérêt à soustraire l’Espagne à la domination anglaise pour abandonner complètement le prétendant de son choix. Bientôt on apprit le mécontentement du prince de Galles et le mauvais état de sa santé ; cette nouvelle rendit quelque hardiesse au roi de France. Il commença par donner une pension à don Henri, puis le comté de Cessenon, près de Béziers, pour lequel il reçut ouvertement son hommage[1]. Ce n’étaient encore que des secours dus à une grande infortune, un asile accordé à un homme qui avait autrefois servi la France. Mais en même temps don Henri recevait sous main des encouragemens et des promesses. Retiré dans son nouveau domaine, il était à portée d’étudier commodément la situation de la Castille et de correspondre avec ses partisans secrets ou déclarés. De toutes parts lui arrivaient des rapports propres à entretenir ses espérances et à réchauffer son courage. On lui peignait le désordre général, l’indignation excitée par les nouvelles rigueurs de don Pèdre, le dénûment de ses ressources, le mécontentement des communes grevées de taxes nouvelles, enfin l’attitude hostile de quelques-uns des grands vassaux. D’un autre côté, plusieurs capitaines, anglais ou gascons, que don Henri avait eu l’art de s’attacher pendant qu’ils étaient à son service, l’avertissaient secrètement de la mésintelligence entre don Pèdre et le prince de Galles, et l’assuraient que ce dernier, accusant la mauvaise foi de son allié, déclarait hautement qu’il ne ferait dorénavant aucun effort pour le défendre.


XXIII.

RETOUR DE DON HENRI. — 1368-1369.


I.

Don Henri employa utilement l’argent du roi de France. Il paya les rançons de ses compagnons d’infortune, acheta des armes et des chevaux, recruta des soldats. Les gouverneurs français secondaient ces préparatifs avec zèle, tout en avant l’air de les ignorer. Charles V lui-même inventait des prétextes pour lui fournir des subsides. C’est ainsi qu’il lui racheta deux fois de suite les terres qu’il lui avait données[2]. D’un autre côté, les capitaines anglais, furieux contre don Pèdre, et désespérant d’en obtenir jamais les indemnités qu’il leur avait promises, se montraient généreux pour leurs prisonniers, se contentaient de modiques rançons, ou même les mettaient en liberté sur parole. Entre les chevaliers de France et d’Angleterre régnait cette sorte de

  1. Ayala, p. 503, 504. — Hist. de Languedoc.
  2. Ayala, p. 506 et suiv.