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II.

En apprenant ces arrestations, surtout celle du prélat gascon, le prince de Galles crut voir un outrage direct à sa personne. Il réclama, mais inutilement ; don Pèdre lui déclara qu’il n’avait plus besoin de l’armée anglaise, et qu’elle était pour lui une lourde charge. Il invita le prince à repasser en Guyenne, le priant toutefois de lui laisser, pour quelque temps encore, un millier d’hommes d’armes. N’ayant plus de bataille à livrer, plus de gloire nouvelle à acquérir, Édouard ne demandait pas mieux que de retourner dans ses états. Sa santé, affaiblie déjà depuis long-temps, s’était fort empirée par les fatigues de la dernière campagne, et d’ailleurs quelques démonstrations menaçantes du roi de France rendaient nécessaire sa présence à Bordeaux ; mais, avant de quitter l’Espagne, il voulait que ses capitaines reçussent les indemnités qui leur étaient dues, dont lui-même avait fait les avances, ou dont il s’était rendu caution. En outre, il exigeait la remise des ports de la Biscaïe, que, par le traité de Libourne, don Pèdre s’était obligé à lui céder ; or, de la part du roi de Castille, rien n’indiquait la moindre disposition à tenir ces promesses. Édouard réclama, non sans aigreur. De part et d’autre, des commissaires furent nommés, car déjà les deux alliés ne correspondaient plus que par ambassadeurs. A la demande des subsides, les ministres castillans répondirent par d’autres réclamations. D’abord ils s’élevaient contre les violences commises par l’armée anglaise, qui, pour l’indiscipline et les habitudes de pillage, ne le cédait erg rien aux aventuriers de don Henri. Puis ils se plaignaient que, pendant le séjour du roi en Guyenne, l’or et l’argent monnayé qu’il avait apporté d’Espagne et distribué aux capitaines anglais pour les préparatifs de leur expédition n’eût été accepté qu’avec un droit de change usuraire ; que les pierreries cédées par don Pèdre au prince, pour le même motif, n’eussent été évaluées qu’à la moitié de leur prix. Ils prétendaient qu’avant de traiter la question des subsides dus à l’armée anglaise, on fît une nouvelle estimation de toutes les valeurs avancées par le roi avant son entrée en campagne. Tes Anglais répliquaient qu’il était impossible de revenir sur ces transactions, et soutenaient qu’eux-mêmes avaient perdu à recevoir l’or et les pierreries apportés de Castille, obligés qu’ils étaient de s’en défaire à vil prix pour acheter des armes et des chevaux de guerre. Pendant quelque temps, on s’opiniâtra