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et les chevaliers de l’Écharpe, parmi lesquels se trouvait l’historien Ayala[1], faisaient partie de cette division, qui le cédait en rien à la gendarmerie anglaise. Un peu en arrière, deux gros corps de cavalerie, chevaux bardés et génétaires, flanquèrent la bataille des hommes d’armes de Du Guesclin, qui devaient combattre à pied. Celui de gauche était aux ordres de don Tello ; celui de droite avait pour chef le comte de Denia, maintenant marquis de Villena, et se composait des auxiliaires aragonais et des chevaliers des ordres militaires. Entre ces deux ailes de cavalerie, et en seconde ligne, se rangea la quatrième bataille, infanterie et cavalerie, dont le roi se réserva le commandement. La disposition de l’armée anglaise était la même à peu près, seulement les hommes d’armes des trois batailles de la première ligne devaient mettre tous pied à terre au moment de l’action. Au centre et en face de Du Guesclin on voyait des Anglais et des aventuriers de toutes les nations[2] rangés sous la bannière du jeune duc de Lancastre. Le fameux Jean Chandos, connétable de Guyenne, un des meilleurs capitaines de son temps, prêtait au jeune prince le secours de sa vieille expérience, et devait l’initier au métier de la guerre, comme il avait déjà servi de mentor à son frère le prince de Galles, dans les champs de Poitiers. Auprès de lui se faisaient remarquer sir Hugh de Calverly et les quatre cents lances qu’il avait ramenées d’Espagne. Ils allaient échanger les premiers coups contre leurs anciens camarades. A droite de ce corps, et opposés à don Tello, étaient les hommes d’armes gascons, conduits par le comte d’Armagnac et le seigneur d’Albret. A gauche, faisant face au marquis de Villena, le captal de Buch et le comte de Foix rangèrent leurs vassaux et plusieurs troupes d’aventuriers. La quatrième bataille, la plus nombreuse de toutes, était formée d’Anglais, de Castillans et de Navarrais. Là, au poste d’honneur, flottait la bannière de don Pèdre, avec celle du prince de Galles, celle du roi de Navarre, absent, portée par son sénéchal Martin Enriquez, enfin celle du roi de Naples, fils de don Jayme, dernier roi de Mayorque, dépossédé par Pierre IV d’Aragon. Ayala, témoin oculaire, évalue la force de l’armée anglaise à dix mille lances et autant d’archers, c’est-à-dire à plus de quarante mille combattans. On sait que chaque lance comptait pour plusieurs cavaliers, dont le nombre variait de trois à cinq. Il ne compte que quatre mille cinq cents lances seulement dans l’armée castillanne, et ne dit pas le nombre précis des génétaires ni de

  1. Un glossateur de Gratia Dei prétend à tort que Pero Lopez de Ayala.porta dans cette journée la bannière de l’Écharpe. Il confond la bataille de Najera avec celle d’Aljubarrota.
  2. Des Bretons, dit Ayala ; mais on appelait alors ainsi, en Espagne, les aventuriers, de quelque pays qu’ils vinssent. Ce mot, employé souvent comme synonyme de pillards, montre quelle opinion l’on avait des compatriotes de Du Guesclin. Ayala, p. 442.