ce mouvement, il repassa l’Èbre et gagna Najera ; c’est la première ville de Castille, sur le chemin de Burgos, que l’on rencontre après Logroño. Il établit son camp près de la ville dans un lieu théâtre de sa défaite en 1360. La Najerilla, un des affluens de l’Èbre, petite rivière encaissée, lui formait comme un retranchement naturel. Déjà les Anglais étaient sur la rive droite de l’Èbre, occupant le village de Navarrete. Il n’y avait entre les deux armées qu’un intervalle de quatre ou cinq lieues[1].
Le 1er avril 1367, un héraut du prince de Galles se présenta aux avant-postes castillans, et remit à don Henri une lettre de son maître, adressée au comte de Trastamare. Le prince, voulant éviter l’effusion du sang, l’invitait, au nom de Dieu et de monsieur saint George, à se désister de ses prétentions sur la couronne de Castille, et, à cette condition, il promettait d’obtenir du roi don Pèdre qu’il lui rendît ses bonnes graces et lui accordât dans le royaume un état conforme à son rang ; que, s’il persistait dans son usurpation, le prince le défiait et remettait sa cause au jugement de Dieu.
Suivant les usages chevaleresques, don Henri fit un riche présent au héraut ; puis il réunit les principaux de ses capitaines castillans ou étrangers, et les consulta sur la réponse qu’il convenait d’envoyer au prince de Galles. La plupart étaient d’avis qu’il n’en fallait faire aucune, attendu que le prince anglais n’avait point écrit au roi de Castille, et que le roi don Henri n’avait point à prendre connaissance d’une lettre adressée au comte de Trastamare. D’autres, au contraire, soutinrent qu’au moment d’en venir aux mains, l’excès même de la courtoisie ne pouvait être imputé à faiblesse. Cette opinion l’emporta, et voici la réponse que don Henri envoya au prince de Galles :
« Don Henri, par la grace de Dieu, roi de Castille et de Leon[2], à très haut et très puissant seigneur don Édouard, fils premier né du roi d’Angleterre, prince de Galles et de Guyenne, duc de Cornouailles, comte de Chester, salut. Nous avons reçu par votre héraut une lettre de vous, dans laquelle se trouvent des choses dites par notre adversaire, par où il nous semble que vous n’avez pas été instruit exactement de la vérité. Sachez donc que depuis plusieurs années en çà, ayant pris possession de ces royaumes, il les a gouvernés de telle sorte, que toutes gens qui le savent et l’entendent se puissent étonner que si long-temps on ait souffert son règne. « Or, dans ce royaume de Castille, il a « tué la reine doña Blanche de Bourbon, sa femme légitime ; il a tué la
- ↑ Ayala, p. 147. -Froissart, liv. I, ch. 230.
- ↑ On remarquera que don Henri ne prend pas d’autres titres que ceux de roi de Castille et de Leon. Selon le protocole ordinaire, il devait y joindre ceux de roi de Tolède, Galice, Séville, Cordoue, Murcie, Jaën, Algarve, Algeciras, seigneur de Biscaïe et de Molina. On peut supposer que ces titres ont été supprimés par une espèce de ménagement pour le roi d’Aragon, auquel il venait de céder le royaume de Murcie.