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déjà du reste de la péninsule par ses institutions, sa langue et ses coutumes. La Guyenne, qui comptait des sujets basques, pouvait s’en assimiler d’autres avec autant de facilité que la Castille avait réuni les Provinces privilégiées sous la domination de ses rois. Avide de vengeance, don Pèdre était prodigue de promesses, et il accepta sans balancer le marché qui lui était offert. Était-il de bonne foi ? L’événement le fera voir. En retour de sa facilité, il trouvait dans Édouard une ardeur presque égale à la sienne. La perspective d’une campagne, l’espoir de nouveaux triomphes, transportaient ce prince belliqueux, et, lui faisant oublier le délabrement de sa santé, lui rendaient une force factice. Il plaidait auprès de son père la cause de don Pèdre avec toute l’éloquence de son ambition, le conjurait d’envoyer des troupes en Espagne ; et, pour répondre d’avance aux objections qu’il prévoyait, il annonçait que le roi dépossédé conservait encore un trésor considérable qui subviendrait aux dépenses de l’expédition. Tant s’en fallait pourtant que don Pèdre fût en état de solder une armée. L’or qu’il avait apporté avait disparu promptement à la cour de Bordeaux, dépensé en présens offerts aux favoris du prince. Maintenant ses pierreries lui servaient au même usage. Il fit accepter les plus belles à la princesse de Galles, et voulut vendre le reste, mais Édouard s’empressa de les recevoir en dépôt et lui avança des sommes considérables sur ces gages d’une valeur incertaine. Aux yeux de son père et de ses conseillers, le prince de Galles affectait de calculer froidement ses avantages, et cachait avec soin sa générosité ; il craignait qu’on ne taxât son entreprise de rêverie chevaleresque, et s’efforçait de la justifier au nom de l’intérêt et de la politique.

Assuré du prince de Galles, don Pèdre avait dépêché à Londres le maître d’Alcantara pour traiter du mariage de ses filles avec des princes anglais, surtout pour presser les armemens et lever les difficultés qu’opposait encore le prudent Édouard III à la fougue belliqueuse de son fils. Aux instructions remises à son ambassadeur il joignit une justification étudiée de sa conduite, ou plutôt une récrimination contre ses ennemis. « Vous, Martin Lopez, notre féal serviteur, écrivait don Pèdre à son ministre, vous direz au très puissant roi d’Angleterre, notre cousin, ce qui suit : Vous lui direz de quelle façon don Henri a troublé et mis à dam notre terre, voulant nous chasser de nos royaumes de Castille et de Leon, dont à bon droit nous sommes l’héritier, non point le tyran, comme il le dit. Et pour ce qu’il travaille avec grande perfidie à prétendre auprès du saint-père et du roi de France que nous ne devons pas régner, soutenant méchamment que nous traitons nos riches-hommes avec cruauté et violons les privilèges de notre noblesse, vous direz que ce n’est point vérité. Il est notoire comment, encore tout jeune d’âge, nous perdîmes notre seigneur et père le roi don Alphonse ;