une prédilection particulière. Le troupeau d’essai du roi de Hollande est composé de trente-quatre individus qui paissent l’herbe de la prairie, et qui se contentent pendant l’hiver d’un peu d’avoine et de foin sec. Ces animaux se sont développés et reproduits en Hollande comme dans les Cordilières.
Les expériences faites en France pour assurer la naturalisation des lamas n’ont pas été moins heureuses que les essais tentés en Hollande et en Angleterre. Si elles ont plus tardivement abouti à un résultat décisif, cela tient uniquement aux circonstances tout exceptionnelles qui ont contrarié plus d’une fois les efforts de nos naturalistes. Au commencement de notre siècle, le roi d’Espagne Charles IV avait en effet consenti à faire venir pour la France, sur la demande de l’impératrice Joséphine, un troupeau de lamas assez considérable qui resta six années à Buenos-Ayres sans qu’il fût possible de l’embarquer, et dont neuf individus seulement arrivèrent à Cadix en 1808, au milieu des guerres qui agitaient l’Espagne. Plus tard, la société de géographie, à l’occasion du prix fondé par M. le duc d’Orléans pour encourager la naturalisation des plantes alimentaires et des animaux utiles, proclamait l’importation en France du genre lama comme un des premiers besoins du pays. Le prince lui-même avait adressé à ce sujet des recommandations très pressantes à M. de Castelnau, qui partait pour le Pérou ; mais, lorsque ce voyageur eut rassemblé à Lima une trentaine de ces animaux, il eut la douleur d’apprendre que les bâtimens de l’état, n’ayant reçu aucun ordre à cet égard, ne pouvaient se charger du transport. Nous avons lieu d’espérer que ces obstacles ne se présenteront plus. Déjà la ménagerie du Muséum possède des lamas dont quelques-uns sont nés dans cet établissement. M. le ministre de la marine s’est empressé d’annoncer à l’Académie des sciences, au sein de laquelle avait été discutée la question de la naturalisation des lamas, qu’il avait donné des ordres pour que la marine de l’état favorisât, partout où l’occasion s’en présenterait, les efforts des naturalistes. Toutefois des essais ne pourront être entrepris avec de grandes chances de succès, si, comme le conseille M. de Castelnau, on n’embarque de Lima pour Marseille une vingtaine de lamas et d’alpacas qu’il serait facile de transporter en partie dans les Alpes, en partie dans l’Algérie. Les montagnes de l’Afrique doivent être favorables à l’acclimatation des lamas, qui serait pour notre belle colonie une nouvelle source de richesses. Ainsi se trouverait justifié le nom d’Elaphocatmelus (chameau-cerf) que Matthiole leur a donné, car les lamas pourraient rendre, dans la partie montagneuse de l’Afrique, les mêmes services qu’on obtient tous les jours des chameaux dans ses plaines sablonneuses.
Les expériences sur la falsification des farines et les recherches sur la naturalisation des animaux utiles nous révèlent la même tendance. Jamais plus qu’aujourd’hui la chimie et les sciences naturelles n’ont cherché à étendre le domaine de leurs applications ; jamais elles ne se sont plus sérieusement préoccupées de faire servir leurs découvertes au bien-être de la société. C’est là une direction féconde, et, en présence des résultats importuns que nous venons de signaler, on ne peut nier qu’un intérêt général ne s’attache aux progrès de la science dans une voie où nos sympathies la suivront toujours.