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la farine de féverolle prend une couleur pourpre, tandis que les autres farines se couvrent d’une nuance jaunâtre. La sophistication est d’autant plus commune que la farine de féverolle s’associe très bien à celle de froment ; elle procure à la pâte une certaine ténacité, et concourt puissamment à donner à la croûte cet aspect roussâtre que l’on aime à voir sur le pain. Elle a cependant le désavantage de communiquer à la mie une teinte grise désagréable.

C’est encore à l’aide de l’examen microscopique que M. Donny constate d’une manière certaine la présence des farines de maïs et de riz dans la farine de froment. Les premières contiennent toujours des fragmens anguleux qui ne sont autre chose que des débris de la couche extérieure des graines. Celles-ci sont en effet dures, tenaces et coriaces, de sorte qu’elles se brisent en petits éclats sous la pression, plutôt qu’elles ne se réduisent en une poudre homogène. Ces fragmens ont une forme prismatique et peuvent être assez justement comparés à ce qu’on appelle dans le commerce de l’amidon en aiguilles. Pour essayer un mélange de ces substances, M. Donny malaxe la farine suspecte sous un filet d’eau. Un verre surmonté d’un tamis de soie est disposé pour recevoir le liquide qui entraîne les grains amylacés et en même temps les autres petits corps irréguliers. Les premières parties qui se précipitent au fond du vase doivent seules être recueillies et examinées. A l’aide d’un verre grossissant, on aperçoit sans peine les fragmens qui caractérisent les farines de riz, de maïs et de sarrasin. Quant à ceux de la graine de lin, ils sont carrés, d’une couleur rouge et inattaquables par la potasse. Or, la potasse dissout l’amidon. Aussi peut-on les retrouver dans le pain qui a été soumis à l’action de cet alcali, lors même que, sur cent livres de la farine employée, il n’y aurait eu que deux ou trois livres de tourteau de lin.

M. Donny a déjà répété souvent ses expériences dans plusieurs établissemens. M. le ministre de la marine, dont la sollicitude avait été éveillée à la nouvelle de ces heureux résultats, confia bientôt au chimiste de Gand la mission d’examiner les farines contenues dans les ports de Brest, Cherbourg, Lorient, Nantes, Rochefort, Bordeaux et Toulon. Cette mission a été remplie par M. Donny avec un zèle et un désintéressement qu’on ne saurait trop louer. D’après les ordres de M. le ministre de la marine, l’appareil et les réactifs du chimiste belge seront placés dans tous les ports du royaume, envoyés dans les colonies et mis à bord des bâtimens de l’état destinés à faire des voyages de long cours. Nous ne doutons, pas que l’administration de la guerre, celle des hôpitaux, des prisons, en un mot tous nos établissemens publics, n’adoptent, à l’exemple de l’administration de la marine, cet ingénieux moyen d’assurer au pauvre, au soldat, la bonne qualité d’un aliment qui est sa principale nourriture.

Parmi les services que la science peut rendre aux classes laborieuses, il en est un dont Buffon a pu dire qu’il « produirait plus de biens réels que tout le métal du Nouveau-Monde. » Nous voulons parler de la naturalisation en Europe, mais surtout en France et en Algérie, de certains animaux domestiques étrangers. Originaires de l’Amérique, à laquelle ils appartiennent uniquement, les lamas, les alpacas et les vigognes y préfèrent certaines contrées au-delà desquelles on ne les rencontre plus. Selon Grégoire de Bolivar, leur véritable patrie est le Pérou ; où ils étaient les seuls animaux domestiques connus avant l’arrivée des Espagnols. Ils habitent la chaîne des Cordilières et affectionnent les lieux élevés où l’air est vif et