Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 21.djvu/390

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans une autre occasion, peut-être, nous reviendrons sur l’apparition et la disparition singulières de certains astres. Aujourd’hui cela nous éloignerait trop de notre sujet. Disons seulement que, dernièrement encore, M. Graham et M. de Vico ont signalé de pareilles disparitions, qui sont devenues un sujet d’étude pour les astronomes. Il y a lieu d’espérer que les observateurs français qui n’ont pas été assez heureux pour découvrir aucune des nouvelles planètes dont s’est enrichie l’astronomie moderne, profiteront de cette occasion pour prendre complètement leur revanche. La France a les yeux fixés sur eux, et nous sommes assurés qu’ils ne tromperont pas les espérances du pays. Déjà M. Valz, directeur de l’observatoire de Marseille, prenant l’initiative, a demandé à l’Académie des Sciences d’appuyer un projet de recherches systématiques qui seraient faites dans certaines régions du ciel, avec le but spécial de découvrir de nouvelles planètes. Renvoyé par l’Académie à la section d’astronomie, ce projet ne saurait manquer de recevoir, à l’Observatoire de Paris, une direction éclairée et d’utiles encouragemens.

Nous avons dit qu’aucune des planètes nouvellement découvertes n’avait été observée d’abord à Paris. C’est probablement pour répondre avec avantage à ces succès répétés des astronomes étrangers que M. Arago, obéissant à un juste sentiment de fierté nationale, avait déclaré d’une manière solennelle devant l’Institut que, pour lui, la planète découverte à l’aide d’admirables calculs par M. Le Verrier porterait le nom de l’inventeur et n’en aurait jamais d’autre ! Dès cette époque, la Revue avait manifesté des doutes sur la possibilité de faire adopter un tel nom par les astronomes, qui avaient pris l’habitude de donner le nom de quelque divinité à toutes les planètes. Nos doutes étaient fondés ; le nom proposé par M. Arago a été abandonné. La planète découverte par le géomètre français a reçu le nom de Neptune, et M. Arago a dû être très péniblement affecté, le jour où il a vu apparaître ce nom dans la Connaissance des temps de 1849, ouvrage officiel pour les astronomes, dans lequel le nom de la planète Le Verrier avait d’abord figuré.

Ce n’est pas seulement au nom de la planète découverte par M. Le Verrier que quelques personnes se sont attaquées. Sur la foi d’une assertion émise dans un journal par un astronome américain, M. Peirce, on a prétendu que la masse de Neptune était trop petite pour produire sur Uranus les effets que M. Le Verrier avait annoncés. C’est en discutant les observations du satellite de Neptune faites par M. Lassell de Liverpool, qui avait découvert ce satellite, que M. Peirce avait trouvé vingt-un jours pour la durée de la révolution du satellite. De là, d’après des principes bien connus des astronomes, il avait déduit une masse de Neptune beaucoup trop faible pour que cette planète pût exercer sur Uranus une action telle que M. Le Verrier l’avait déterminée. Si les assertions de M. Peirce eussent été fondées, tout l’édifice élevé par M. Le Verrier se serait écroulé. Sa planète, suivant l’expression employée par des envieux, aurait été escamotée par l’astronome américain. Heureusement, d’après la détermination faite par M. Lassell lui-même, il a été constaté que M. Peirce s’était trompé, et que la durée de la révolution est de six jours environ. Ce résultat a été depuis confirmé par M. Otto Struve de Poulkova, et M. Peirce lui-même, dans une seconde lettre insérée dans le même journal, a reconnu implicitement son erreur. Nous attendons des astronomes de Paris la publication des observations qu’ils