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par ceux-là même qui l’avaient condamné dès le principe. Non-seulement la loi du 21 juin 1846 le consacre, comme nous l’avons dit, par un article formel, mais encore les deux compagnies de Versailles, et même les représentans de la rive gauche, dans une pétition adressée à M. le ministre des travaux publics, le 24 avril 1847, en ont reconnu la nécessité. Cette nécessité est admise par tout le monde, dans l’intérêt bien entendu du commerce général, des populations de l’ouest et de la ville de Paris. Si donc l’on admet le raccordement des deux voies, et par conséquent la double entrée dans Paris, que signifient les prétentions de la rive gauche à l’exploitation exclusive de toute la ligne ? Qu’y a-t-il en définitive au fond de toute cette agitation ? De petits calculs, de petites combinaisons, de mesquines influences, de petits profits pour quelques-uns. Les honorables députés et conseillers municipaux des arrondissemens de la rive gauche qui se sont mis à la tête de cette croisade ont trouvé là une occasion, les uns de fonder, les autres de consolider leur popularité. MM. Vavin et Jouvencel se sont fortifiés dans leurs collèges. M. Considérant, faisant avec eux assaut de dévouement, aura conquis quelques voix de plus pour sa prochaine élection. Tout le monde y aura gagné, excepté les actionnaires, le public et l’état.




REVUE SCIENTIFIQUE.


Le domaine des sciences s’étend et s’agrandit chaque jour davantage. Malgré les mémorables découvertes que nous ont léguées les siècles passés, le champ des spéculations est si vaste, la mine si féconde, qu’on ne doit jamais craindre de voir les efforts des savans rester infructueux. Ces progrès n’ont pas lieu uniformément sur tous les points à la fois. Tantôt l’attention d’un petit nombre seulement d’adeptes est excitée par de sublimes recherches sur les propriétés de certaines courbes dont les géomètres s’occupent depuis vingt siècles, tantôt le genre humain tout entier apprend avec étonnement qu’il existe un agent qui a le pouvoir, don précieux ! de suspendre et de dompter la douleur. Aux yeux du vulgaire, chaque découverte brille et s’efface à son tour. Aujourd’hui, c’est le nom de M. Le Verrier qui est dans toutes les bouches ; demain, ce sera celui de l’inventeur du coton-poudre ou du chloroforme. Mais la gloire, qui n’est pas la même chose que la renommée, n’obéit pas à ces caprices du vulgaire. Elle décerne des récompenses durables aux hommes qui ont fait des œuvres durables, et livre aux applaudissemens fugitifs de la foule les hommes qui n’ont travaillé que pour la popularité.

Nos lecteurs se souviennent peut-être de l’exposé que nous avons fait dans le temps de la belle découverte de M. Le Verrier[1]. Parvenant, par la seule force du calcul, à démontrer qu’il devait exister au-delà des limites connues du système solaire une planète que nul œil mortel n’avait encore aperçue, mais dont les effets se faisaient sentir sur Uranus, ce jeune astronome, dont le nom n’était

  1. Voyez le numéro du 15 octobre 1846.